Shangri-La dévasté par le réchauffement climatique ?

Lost Horizon

Couverture du roman de James Hilton qui inventa le nom et le mythe de Shangri-La

Dans le roman de James Hilton, Lost Horizon, l’avion qui s’était arraché de la ville afghane de Baskul avait mis cap sur le Tibet et survolé la haute vallée de l’Indus, ceinturée de montagnes vertigineuses. C’est peut-être non loin de l’ancien caravansérail de Leh que l’appareil s’était posé en catastrophe, près d’une vallée dominée par l’énigmatique lamaserie de Shangri-La. Loin en amont des plaines du Penjab et du Sind, exposées chaque année aux moussons venues du Bengale, le Ladakh, riverain du même fleuve, est désertique, ce qui lui valut le surnom de « Pays de la Lune ». Protégées par la barrière de l’Himalaya des masses d’air humide qui se déversent sur son flanc sud, ces terres ne sont irriguées que par l’eau de fonte des glaciers, alimentés par les neiges d’hiver. De petits chenaux captent le flux des rivières et le dirigent vers les oasis des villages. Coincé entre plusieurs chaines de montagnes, le Ladakh est un désert alimenté au compte-gouttes par un immense château d’eau, un bout de Sahara surélevé, dominé par des neiges éternelles. Les cultures et les cours d’eau sont par ailleurs trop peu nombreux pour provoquer une importante évaporation et des pluies de convection en saison chaude. 

Les rescapés du vol de Baskul observèrent ce phénomène une fois détenus dans la mythique Shangri-La. Le monastère bénéficiait des cultures de la vallée, dont la fertilité était assurée par les torrents descendant d’une gigantesque montagne blanche. Un schéma hydrographique qui résume la situation d’une bonne partie des terres habitées de la Haute Asie : l’eau est stockée sous forme de neige hivernale et de glace sur les sommets, puis s’écoule lentement une fois la saison chaude arrivée, correspondant à celle des cultures. En été, pendant que l’orge et les légumineuses murissent sous un soleil implacable, les villageois font pâturer leurs bêtes dans les maigres alpages situés à plus de quatre mille mètres. Dans les villages, les maisons à toit plat sont construites avec de la boue séchée. Elles ne sont pas conçues pour protéger de la pluie, inexistante la plupart du temps. Les champs et peupleraies sont délimités au cordeau ; aucune transition entre la verdure luxuriante de la végétation et l’aridité absolue de la pierre et du sable.

Bernard De Backer, 2010

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L’article mise en ligne par La Revue nouvelle.

Complément du 7 février 2021. Rupture d’un glacier dans l’Himalaya, au moins sept morts et une centaine de disparusLe Monde du 7 février. Devastating floods in Uttarakhand, by Pema Gyamthso, ICIMOD (« International Centre for Integrated Mountain Development »). « Taking a step back, it’s important to remember that so much of the science behind what is currently happening in the HKH region was elaborated in the Hindu Kush Himalaya Assessment report launched two years ago. While we are fortunate that 10 major rivers systems in the region originate in the mountain of the Hindu Kush Himalayan region, we must be equally cognizant of the fact that they represent both our precious resources as well as threats to lives and properties. Hence we need to provide proper stewardship for these rivers, which are part of river systems that also include the glaciers, snow, and ice in the very high mountain regions. Those glaciers provide important water storage, but when warming across the globe is accelerated, there are changes in water flows and risks of glacial lake outburst events like the one which occurred yesterday. »

Complément de janvier 2019. Une étude internationale sur l’Himalaya et l’Hindu Kush vient d’être publiée par Springer Nature Switzerland avec des résultats particulièrement inquiétants. Une synthèse dans le Guardian du 29 janvier et l’étude en accès libre.

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