Le tabou de la pédophilie féminine

Timbre allemand

Timbre-poste de la RFA, 1960 (source Wikipedia)

Dans la multitude des abus constatés et dénoncés, des affaires judiciaires, des enquêtes médiatiques, des récits autobiographiques et des analyses plus ou moins savantes qui se succèdent depuis des années sur ce que l’on a coutume d’appeler « la pédophilie », les coupables sont pour la quasi totalité des hommes. De Gilles de Rais à Gabriel Matzneff, d’Horace à André Gide, des moines bouddhistes aux prêtres catholiques, si les victimes sont des deux sexes, les auteurs semblent tous de sexe masculin. En est-il vraiment ainsi dans la réalité ? Et si ce n’est pas le cas, pourquoi une telle omerta sur les abus commis par des femmes ? On ne fera ici qu’aborder cette question, en donnant quelques éléments de réponse de nature principalement sociologique. Par ailleurs, si en parler est une manière de participer au bris du tabou, c’est surtout pour tenter de le comprendre.

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Le tutorat du père aux pairs

Enseignement mutuel

Enseignement mutuel (source Wikimedia Commons)

Depuis le milieu des années quatre-vingt, avec le développement de la formation en alternance et des dispositifs de soutien aux apprenants fragilisés, le tutorat est un thème de plus en plus présent dans les milieux de l’enseignement, de la formation, du travail et de l’insertion socioprofessionnelle. Succédant de manière lointaine au compagnonnage, le tutorat s’est d’abord développé dans le monde de l’enseignement, ceci dès l’aube des temps modernes. Mais ces formes scolaires ont connu des transformations profondes, révélatrices des mutations de la matrice qui structurait une de ses fonctions principales, la socialisation des élèves. Il est dès lors utile de faire un détour par l’histoire du tutorat scolaire pour mieux comprendre sa diffusion en milieu de travail, car ce sont notamment les échanges croisés entre sphères de l’éducation, de la formation et de la production qui éclairent sa croissance et ses modalités actuelles.

Bernard De Backer, 2009

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La cloche et la brique

Cent portes

À la mémoire de Bronislaw Geremek

Chaque année, à l’approche du long tunnel hivernal qui engrisaille et refroidit nos villes, le peuple de la rue refait surface dans nos médias et dans nos consciences. Décès d’un SDF, dispositif d’urgence, « restos du coeur » nous rappellent la présence de centaines de personnes livrées à la brutalité de la rue. Cette image est pourtant doublement trompeuse. D’abord, parce que la population privée de domicile est loin de se limiter aux « gens qui vivent dehors », ensuite parce que de nombreuses associations, très diversifiées, travaillent toute l’année avec des milliers de personnes sans logement. Fait nouveau : la majorité des nuitées dans les centres d’accueil sont celles de femmes et d’enfants.

Bernard De Backer, 2008

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La psychanalyse au risque du social

Homme sans gravité

C’est une conséquence inévitable de tout accroissement de la liberté
que les gens puissent descendre plus bas ou monter plus haut

Charles Taylor, Malaise dans la modernité

Que les transformations de la société produisent des effets sur la psyché n’est pas une révélation. Mais ce que nous annoncent des psychanalystes aujourd’hui est plus radical : c’est l’identité profonde de l’homme qui subirait une mutation sans précédent. Avec des conséquences anthropologiques incalculables, pouvant conduire à la menace d’une sortie de l’espèce humaine. La société composée de ces mutants glissant vers une masse moutonnière de plus en plus mortifère, incapable de transmettre l’« humus humain » à ses descendants. Serions-nous aux portes d’un tel basculement face auquel la psychanalyse parait elle-même impuissante ? À moins que le diagnostic et le pronostic ne soient en partie erronés, les ressources inégales des hommes se révélant à la hauteur des défis qu’ils s’infligent. Peut-être même un peu grâce à ceux qui en doutent.

Bernard De Backer, 2007

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Des ateliers de moins en moins protégés ?

Pilifs

Exposition de tomates à la Ferme nos Pilifs (source de la Ferme)

Le changement de dénomination de ce que l’on appelait autrefois les « ateliers protégés » en « entreprise de travail adapté » (ETA), au milieu des années nonante en Belgique francophone, officialise dans les termes une lente évolution du secteur qui avait débuté des décennies plus tôt. Dans le contexte particulier de la Région bruxelloise, les ETA doivent affronter des réalités et des défis qui dessinent un parcours contrasté dans un univers quelque peu parallèle, qui conduit de bâtiments « éco-dynamiques » sur les hauteurs verdoyantes de Neder-over-Heembeek à de petits ateliers nichés dans de vieilles maisons de quartier, en passant par de grands hangars emplis de machines et de bruit.

On pourrait commencer par une énigme : comment un divertissement anglais du XVIe siècle a-t-il donné naissance à un mot qui semble faire partie de notre vocabulaire depuis toujours ? Dans la Merry England des Tudor, une loterie populaire d’objets personnels impliquait qu’un tiers-arbitre mette « la main dans le chapeau » pour y déposer une valeur équilibrant celle des lots mis en jeu. Le geste du dépôt dans le chapeau, ce « hand in cap », a progressivement pris la signification d’une action visant à rendre une compétition plus équitable en défavorisant le concurrent le plus performant. Le sens s’en est dès lors inversé, passant d’une signification positive à une signification négative.

Bernard De Backer, 2006

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Deux livres sur les ETA bruxelloises du même auteur :

  1. Des entreprises pour travailleurs handicapés à Bruxelles. Réalités, défis et perspectives (2005)
  2. Des entreprises pour travailleurs handicapés à Bruxelles. Gagner sa vie, gagner des années. Et après ? (2010)

Les éducateurs font le mur

Mur

Qui se souvient encore des « bagnes d’enfants » et des « hauts murs gris qui les écrasaient de leur masse énorme », selon le mot de Jules Brunin ? Des scandales de Saint-Hubert, de Brasschaat, de Marcinelle ou de Mol, qui éclatèrent dans les homes au milieu des années septante ? Pourtant, c’est autour de cette irruption de « l’enfance inadaptée » dans l’actualité médiatique et sociale que se cristallisa le mouvement des éducateurs, vecteur d’une série de transformations qui modifièrent autant le sort des enfants que celui des travailleurs des institutions. Au paradigme du cloisonnement, de la normalisation et de la dépendance succéda celui de l’ouverture, de l’accompagnement et de l’autonomie. Loin d’être l’histoire d’un pan marginal de notre univers social, l’aventure singulière des « gueules noires du social » est celle d’un passage qui nous concerne tous. Nous y retrouvons, tel un hologramme ou un fractal, une image réduite des métamorphoses ambigües du monde social dans lequel nous baignons.

Bernard De Backer, 2002

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Compléments :
« La fatigue professionnelle des éducateurs », publié dans la revue Non Marchand en 1999
« Savoir devenir tout au long de la vie ? », publié dans la revue Non Marchand en 2000
« Les éducateurs au risque de l’autonomie », publié dans la revue Éduquer en 2009

 

Du mur à l’ouvert

Du mur à l'ouvert

Livre publié par les Éditions Luc Pire en 2001

Depuis le début des années 70, de larges secteurs de l’aide sociale se sont modifiés en profondeur. L’aide à la jeunesse et à la petite enfance, les centres d’accueil pour adultes en difficulté, l’aide aux personnes handicapées ont connu des transformations multiples et souvent liées. Elles affectent l’organisation du travail, les modèles pédagogiques, les modes d’intervention, sans parler des changements touchant les publics et leurs problématiques. En première ligne de ces diverses « mutations » : les professionnels des services. Les éducateurs, ces « gueules noires du social », y sont très largement représentés. Il sera donc surtout question d’eux dans cet ouvrage.

Du mur à l’ouvert est la synthèse de deux études menées entre 1996 et 2000, avec l’aide du Fonds social européen. La première était centrée sur les transformations du métier d’éducateur et la fatigue professionnelle (usure, burn out, perte de sens…), la seconde sur les besoins en compétences et en formation continuée des éducateurs et de leurs collègues intervenants psycho-sociaux (AS, psychologues, puéricultrices…), actifs dans les mêmes institutions. Cette synthèse donne largement la parole aux acteurs de terrain et nous conduit des premiers décloisonnements de la fin des années 60 au professionnalisme polyvalent de l’intervenant social en milieu ouvert, en passant par l’éducateur-référent en milieu résidentiel.

Post-scriptum d’octobre 2018. Ce livre écrit par Bernard De Backer sera présent à l’exposition sur l’évolution du travail social (principalement axée sur la professionnalisation des assistants sociaux et des éducateurs) au Musée de l’emploi et du travail « La Fonderie » à Molenbeek du 18 décembre 2018 au 7 avril 2019.