
Sainte-Sophie à Novgorod
(source Wikipédia)
« Un vieux moine me lisait la légende de Novgorod
J’avais soif »
Blaise Cendrars,
La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France
Le joueur d’échecs russe, Gary Kasparov, était l’invité de l’émission « 28 minutes » sur Arte, ce 25 janvier 2023. Opposant déterminé à Poutine et réfugié aux États-Unis, il arborait un petit drapeau de couleur bleue et blanche sur sa poitrine. Sans le rouge. Le détail a sans doute échappé à beaucoup de spectateurs, peut-être également aux journalistes. Mais il s’agit là des couleurs de la ville de Novgorod, que brandissent de plus en plus les opposants russes au régime poutinien, de leur exil. Il ne s’agit pas de la ville de Novgorod d’aujourd’hui, ni de celle de la légende du vieux moine, évoquée par Blaise Cendrars dans La prose du Transsibérien, mais du « Grand Souverain » Novgorod, écrasé par les autocrates Ivan III et son petit fils Ivan IV, dit « le Terrible ». C’était une république, du moins selon les critères de l’époque. Elle était le comptoir le plus oriental de la Ligue hanséatique et la première capitale de la Rous’, avec Kyiv. D’une certaine manière, l’autocrate Poutine Ier rejoue vis-à-vis de l’Ukraine ce qu’Ivan le Terrible avait fait de Novgorod : la détruire. Remontons vers la Novgorod historique, puis sa destruction par Ivan IV, en établissant des comparaisons avec l’Ukraine.
J’écris notamment cet article pour payer une dette, celle que je dois au Ver à Soie, l’éditeur d’un livre splendide, très documenté et illustré, Novgorod ou la Russie oubliée, dirigé par Philippe Frison et Olga Sevastyanova. L’éditeur me l’avait envoyé en exemplaire de presse pour une recension dans La Revue nouvelle. Les évènements ne l’ayant pas permis, Routes et déroutes prend le relais, mais pas sous forme de recension stricto sensu. Je l’écris aussi parce que la République de Novgorod – qu’il ne faut pas idéaliser après-coup – était l’opposée de la Moscovie autocratique. C’est notamment pour cette raison qu’elle fut détruite par Ivan III et son petit fils, Ivan IV, dit « Le Terrible ». On ne peut s’empêcher de voir des correspondances entre cette destruction et celle de l’Ukraine de Kyiv par Poutine Ier. Les opposants au nouvel autocrate ne s’y trompent pas, eux qui arborent les couleurs blanches et bleues de Novgorod depuis mars 2022. Le rouge du drapeau russe a disparu. La République n’est pas oubliée.

Le livre publié au Ver à Soie
(source de l’éditeur, tableau de Nicholas Roerich, 1901)
Contexte géographique et historique de « la ville nouvelle »
Commençons par une brève histoire de la ville et du « Grand Souverain Novgorod », la « Sophie du Nord ». Nous nous baserons d’abord sur le livre de Pierre Gonneau (2021), avant d’approfondir certains détails avec l’aide de l’ouvrage collectif publié au Ver à Soie (2015). Mais avant cela, il est nécessaire de retracer le contexte plus général qui entoure la naissance et le développement de Novgorod (ainsi que Pskov, située près de l’actuelle frontière estonienne), à l’époque de la Rous’ de Kyiv. Puis, ensuite, la montée en puissance plus tardive des territoires du Nord-Est et de la Moscovie sous le joug du régime patrimonial autocratique. Des différences géographiques, politiques, sociales, culturelles, apparaissent en effet entre ces territoires, cela dès avant la conquête mongole de 1237-1241. Nous le ferons sur base du livre magistral de l’historien américain d’origine juive polonaise, Richard Pipes, Histoire de la Russie des tsars (1974, 2013), qui complète Russes et Ukrainiens, les frères inégaux d’Andreas Kappeler (2022).
De manière très pertinente – et assez rare pour être soulignée, ces aspects étant souvent négligés par les auteurs francophones –, Pipes commence son livre par des considérations environnementales, à savoir la géographie, le climat, la végétation et l’agriculture de la Russie ancienne. Cette dernière entité prise au sens large, incluant l’Ukraine et le Belarus d’aujourd’hui. Il insiste sur le fait que ces aspects étaient fondamentaux à une époque où la mobilité des biens, des messages et des personnes était extrêmement réduite et très lente, la dépendance à l’environnement déterminante. De plus, la proximité de la mer Baltique et des fleuves qui y mènent favorisaient le commerce et la circulation des idées entre Novgorod et l’Europe, notamment par le biais de la Hanse dont elle était le comptoir le plus septentrional. La ville – « nouvelle » par rapport à la forteresse Holmgard ou Gorodichtche qui lui a préexisté – était « une porte ouverte sur l’Europe », plus de cinq cents ans avant Saint-Pétersbourg (qui n’était, elle, qu’une fenêtre).
La « Sophie du Nord »
Novgorod et sa ville sœur Pskov étaient situées dans une zone de basses terres et de marécages dans la Rous’ du Nord-Ouest, à cheval sur une large rivière, le Volkhov, menant au lac Ladoga. La ville était coupée en deux, la partie fortifiée et ses quartiers adjacents étaient situés sur la rive gauche (à l’ouest sur la carte), la partie commerçante et artisanale sur l’autre rive, à l’est. Les deux rives étaient reliées par un grand pont (Most veliki). Seule la forteresse nommée Detinets ou gorod Kromny, le futur « Kremlin » de Novgorod, était défendue par un mur de pierres et de tours d’angle. Le reste de la ville sur les deux rives était protégée par des palissades de bois et les marécages. Comme toutes les villes européennes de cette époque, elle était divisée en quartiers qui bénéficiaient d’une forte identité et d’une grande autonomie. Dans sa plus grande expansion, la « ville nouvelle » comptait plus de trente mille habitants et un vaste arrière-pays comprenant « cinq cinquièmes » liés aux cinq quartiers de la ville. Au cœur de la ville, dans la forteresse, il y avait la blanche cathédrale Sainte-Sophie, inspirée de celles de Byzance et de Kyiv. D’où le surnom de « Sophie du Nord ».

Le marché à Novgorod, face au grand pont et au Detinets
(Apollinary Vasnetsov, 1908, source Wikipédia)
Son territoire couvrait un vaste espace : du nord de la Finlande actuelle à Narva (frontière estonienne, anciennement le pays des Tchoudes) et le lac Peïpous vers l’ouest ; du lac Onega à la mer Blanche au nord-est ; la haute Volga au sud-est. C’est une zone de forêts, de lacs parfois immenses (Onega, Ladoga) et de rivières favorisant les déplacements et le commerce. L’économie de Novgorod sera dès lors autant commerciale que liée aux richesses des lacs et des forêts. Son agriculture est peu productive (terre, climat, marécages) et elle doit importer des vivres.
En d’autres mots, Novgorod se situe entre l’hinterland boisé de la future Moscovie (qui deviendra la Russie) et la Scandinavie, terre des Vikings à l’époque. C’est une cité fluviale, avec accès à la mer Baltique par la rivière Volkhov se jetant dans l’immense lac Ladoga, et par là vers le Golfe de Finlande dont « le Grand Souverain Novgorod » est par ailleurs riverain. Elle est géographiquement à l’opposé de la future Moscou, ville plus tardive et située dans la profondeur continentale. D’une certaine manière, Novgorod est beaucoup plus « européenne » que Moscou, voire même que Kyiv, cette dernière étant orientée vers Byzance et la mer Noire par le Dniepr. C’est sa proximité avec la mer Baltique et son activité commerciale qui en feront un comptoir de la Hanse. Une « maison des Allemands », dans laquelle résidaient les marchands germaniques, existait à Novgorod. Elle servait également d’entrepôt.

Novgorod dans la Rous’ de Kyiv
(source Wikipédia)
La cité-État de Novgorod et les « cinq cinquièmes » de territoires sous son autorité vivront une souveraineté quasi autonome – liée à la Rous’ de Kyiv jusqu’à la destruction de cette dernière par les Mongols (1240). Novgorod échappera cependant à la conquête mongole grâce à sa ceinture de marécages. Elle fut fondée, avant Kyiv, par les Normands (Vikings suédois ou Varègues, nommés Rous par les chroniqueurs) sous le nom de Holmgard (Kyiv étant appelé Könugard, Pipes 2013). Sa fondation remonte au Xe siècle et elle fut détruite une première fois par Ivan III, en 1478. Ce sont donc à peu près cinq siècles d’existence d’une cité prospère et essentiellement commerçante, secouée par de multiples conflits internes et externes, mais dont la gouvernance politique était fondamentalement différente de celle de la Moscovie, à laquelle elle succombera, mais aussi de celle de Kyiv. Enfin, son nom de « ville nouvelle » (Novgorod) provient du fait qu’elle fut fondée après un premier établissement normand, le « vieux château » ou Holmsgardr (selon la graphie de Gonneau, 2021). Sa population était composée à l’origine de Slaves, Normands (Rous-Varègues), de Baltes et de Finnois.
Ce qui distinguera fondamentalement Novgorod de la Moscovie, qui lui est postérieure (et de l’Empire russe ensuite), sera le caractère premier du peuple par rapport au prince et même à l’évêque. Ces derniers seront élus et pourront être révoqués par l’assemblée des citoyens, la vétché. Comme l’écrit Pipes (op. cit.) : « Ce n’est qu’au cours du XIe siècle (…) qu’apparurent dans les plus grandes villes des assemblées d’habitants appelées les vétchés. Composées de tous les hommes adultes du lieu [nous sommes dans des sociétés hétéronomes de domination masculine], ces assemblées conseillaient le prince sur les questions importantes ayant trait à la politique. »
À Novgorod et à Pskov, les vétchés avaient réussi à accaparer le pouvoir législatif et à forcer les princes à leur obéir. » Ce sont en quelque sorte des « monarchies élues », la souveraineté politique étant celle du peuple masculin adulte, mais sous le regard de Dieu. Une ville prospère, dynamique, querelleuse, parfois violente (jusqu’à précipiter des citoyens du haut du « Grand Pont » dans la rivière Volkhov), commerçante, en contact avec la Scandinavie et l’Europe médiévale. Elle connaîtra même une « hérésie » religieuse dite « judaïsante », faisant frémir l’Orthodoxie.

Le vétché de Pskov
(illustration de Vasnetsov, 1908, source Wikipédia)
Femmes à Novgorod
Un chapitre entier est consacré aux femmes dans Novgorod ou la Russie oubliée (2015), ainsi qu’à beaucoup d’autres aspects de la vie sociale et politique de la ville. Selon Eve Levin, auteure de « Les femmes à Novgorod » (op. cit.), le rôle et le statut des femmes ressemblaient à ceux qui étaient les leurs dans le reste de la Rous’ médiévale (..) Le même corpus de textes écclésiastiques qui façonna les attentes en matière de comportement des femmes existait, à certaines variantes près, à Novgorod. Les structures politiques uniques de la ville, tout comme les relations de Novgorod avec les villes d’Europe occidentale, ne semblaient pas avoir eu une grande influence, positive ou négative, sur l’éventail des activités accessibles aux femmes ». Le pouvoir et l’influence des femmes étaient en fait liés au statut social et économique de leur lignage. Ce sera le cas de ce personnage légendaire qu’est Marfa.
Un acteur politique emblématique – devenu par la suite figure littéraire et picturale – de la dernière période de Novgorod est en effet une femme : Marfa Borestakaïa, issue d’une famille de boyards. Comme l’écrit Olga Sevastyanova (2015), « Grâce à sa fortune, fondée sur de vastes propriétés foncières, Marfa acquit un poids politique considérable » et elle dirigea avec son fils « le groupe de boyards de Novgorod opposés à la politique de rassemblement des terres russes menée par Moscou » (…) Elle appela les Novgorodiens à ne pas se soumettre à Moscou » et ceux-ci demandèrent au Roi de Pologne de prendre Novgorod sous sa protection. C’est en réaction qu’Ivan III mena campagne contre la ville.
Les forces moscovites entrèrent dans Novgorod et déportèrent les partisans de Marfa à Moscou. On ignore les circonstances de sa mort. Les ressemblances avec l’actualité ukrainienne sont frappantes, d’autant que, nous le verrons, la république de Novgorod sera perçue comme « décadente » par les tsars.
Les fureurs d’Ivan, grand-père et petit-fils
En effet, à quelques centaines de kilomètres au Nord-Est, un autre ordre politique avait vu le jour dans la « Russie des forêts ». Loin de la Baltique, des Normands, de la Hanse et du commerce, mais plus proche des Mongols, il reposait d’abord sur le pouvoir du souverain et la soumission du peuple. Graduellement, un « État patrimonial » (Pipes, 2013) va émerger de cette forme de pouvoir politique, et va perdurer pendant des siècles dans ce qui deviendra « la Russie ». Les deux Ivan, le troisième et le quatrième – les premiers « tsars » avec Vassili III (père d’Ivan IV) – vont jouer un rôle important dans sa genèse et l’écrasement concomitant de Novgorod et de Pskov, incarnation d’un contre-modèle à éliminer. Sa gestation existait avant la domination mongole (1237-1480), mais elle sera renforcée par celle-ci (de nombreux nobles sont d’origine mongole ou tatare, l’Église orthodoxe a bénéficié de privilèges sous les Mongols, le despotisme et la violence ont été accentués).
Qu’est-ce qu’un « État patrimonial » ? C’est une structure politique dans laquelle le souverain (seigneur, grand-prince, tsar – gospodin devenu gosoudar ou despote, propriétaire d’esclaves) est l’unique propriétaire, non seulement des terres, mais également des humains. Son « pays » est sa propriété privée. Le reste de la population est divisée en deux classes étanches : les serviteurs de l’État (clans de nobles ou boyards hiérarchisés dans une « table des rangs », fonctionnaires) et les roturiers (essentiellement des paysans-artisans) qui formaient plus de 99 % de la population. Il n’y a qu’un seul propriétaire : le souverain. Même les nobles ne possèdent pas de terres. On notera la quasi-absence de la bourgeoisie et des villes dans lesquelles cette classe est née en Europe, bénéficiant des « libertés urbaines » gagnées sur les nobles.
C’est sous Ivan III (1462-1505), son fils Vassili III (1479-1533) et son petit-fils Ivan IV (1530-1584) que le pouvoir patrimonial autocratique va s’affirmer, et que Novgorod va tomber sous l’emprise des grands princes de Moscou, devenus définitivement « tsars » avec Ivan IV. Certes, cela se fera progressivement, avec notamment une grande résistance des boyards, mais le processus de patrimonialisation est bien enclenché.
Toute une série de caractéristiques du pouvoir et de la société russes postérieures, mais aussi contemporaines (Malfliet, 2012), se sont développées dans cette matrice politique et sociétale : absence de propriété privée face au propriétaire unique, autocratie et verticalité du pouvoir, absence de liberté d’expression et de groupes politiques d’opposition, libertés urbaines et bourgeoisie anémiques, soutien de l’Église orthodoxe légitimant l’autocratie et protégée en retour, fixation des paysans sur leurs territoires (qui deviendra le « passeport intérieur » sous les bolcheviques), censure, pas de séparation des pouvoirs, etc. Au niveau sociétal, mobilité sociale inexistante, société de type patriarcal nettement plus accentué qu’en Europe occidentale, valorisation d’une spécificité de la « voie russe » comparée à celle de l’Occident, etc.
Le modèle politique de Novgorod dans lequel le peuple jouera un rôle important par l’intermédiaire des vétchés est, on le voit, à l’opposé. De plus, si l’on peut dire en utilisant un vocabulaire poutinien, il est sous l’influence « d’agents de l’étranger » ayant leur « maison allemande » au cœur de la ville. Le dépôt de la Hanse à Novgorod sera d’ailleurs fermé en 1490, lors d’une première destruction de la ville par Ivan III. Et enfin, les Novgorodiens (cela vaut bien évidemment aussi pour Pskov) sont des Slaves orientaux de religion orthodoxe, ce qui constitue sans doute aussi un danger de « contagion démocratique » par proximité.

Destruction du vétché de Novgorod par les Moscovites, Marfa est debout à droite
(tableau de Klavdiy Lebedev, 1889, source Wikipédia)
La soumission et la destruction de Novgorod vont se faire en deux temps. D’abord par Ivan III à partir de 1471, ensuite par son petit-fils, Ivan IV « Le terrible » un siècle plus tard, en 1570. Il ne s’agit pas seulement d’une conquête territoriale, mais bien d’une destruction violente de la « république commerçante », qui sera en partie rasée, avec massacres et déportations de ses habitants. Il s’agit en quelque sorte de « dérépublicaniser » cette Russie en devenir. Le processus sera d’une extrême violence, ce qui fera dire à Alexandre Herzen : « Moscou a sauvé la Russie en étouffant tout ce qu’il y avait de libre dans la vie russe » (cité par Gonneau 2022). Et Gonneau écrira dans le même ouvrage : « (…) le rassemblement des terres russes (…) se fera au prix de l’abandon de l’esprit de « liberté » (volnost) que Novgorod incarne. »
Métamorphoses de Novgorod dans l’histoire russe
L’ouvrage collectif dirigé par Frison et Sevastyanova, Novgorod ou la Russie oubliée, est très détaillé sur ces aspects. Il situe d’abord la cité-État dans l’espace baltique et slave, retrace sa vie politique et juridique, économique et sociale, religieuse et culturelle, avant de se pencher sur l’historiographie (surtout russe) de Novgorod. Voyons ce dernier point, très éclairant pour notre propos, car il illustre les tensions générées par cette expérience russe au regard de l’autocratie et ses divers opposants.
C’est Olga Sevastyanova, co-directrice du livre chargée d’enseignement à l’Université d’Aberdeen, qui est l’auteure du chapitre qui nous intéresse, « Novgorod, mythe de la pensée russe, ou les métamorphoses de l’image de l’ancienne Novgorod de Catherine II à Poutine ». Ce texte nous semble particulièrement intéressant, car il illustre combien Novgorod, selon les propres mots de l’auteure, « constitue une sorte d’énigme de l’histoire russe. Sur le territoire d’un pays connu pour son régime autocratique a existé autrefois une ville libre, dont l’administration était assurée par des magistrats municipaux et une assemblée d’habitants. » Et l’auteure ajoute de manière imagée : « là où Pierre le Grand a été contraint de percer une fenêtre sur l’Europe, existait auparavant une porte grande ouverte vers l’Occident. »
Décadence des mœurs, désordre, confusion, folie
L’image de Novgorod dans la pensée russe favorable à l’autocratie s’est forgée à partir d’une lecture de L’esprit des lois de Montesquieu (1748), lui-même inspiré par la conception de la séparation des pouvoirs de l’historien grec Polybe. Pour ce dernier, seul un type de gouvernement mixte combinant les principes monarchique, aristocratique et démocratique est la forme idéale. À défaut, le régime dégénère en despotisme, oligarchie ou ochlocratie (pouvoir de la foule). Montesquieu a repris cette idée de séparation des pouvoirs, en substituant le législatif, l’exécutif et le judiciaire aux trois principes de Polybe.
La lecture de Montesquieu par Catherine II déforme ses idées, car, selon elle, « toutes les institutions de l’Empire doivent « être des canaux par lesquels s’écoule le pouvoir du souverain », ce dernier étant « la source de tous les pouvoirs civils et étatiques ». Non seulement Catherine II n’a pas reconnu le système de limitation du pouvoir monarchique par Montesquieu, mais elle considérait qu’il était capital de prévenir tout risque de « morcellement du pouvoir ». « Un État immense », affirme-t-elle dans son traité l’Instruction (Nakaz) « suppose un pouvoir autocratique, car il est indispensable de régler rapidement les questions concernant les régions éloignées (…) Voilà pourquoi, toute autre forme de gouvernement serait non seulement mauvaise pour la Russie, mais aussi extrêmement dévastatrice » » (citée par Sevastyanova, 2015).

Traduction française des Instructions ou Nakaz de Catherine II
(source Wikiépdia)
Cette vision sera reprise par Chtcherbatov, historiographe de la cour « qui supposait que la forme première de gouvernement en Russie était la démocratie » qui avait naturellement évolué vers le désordre et était tombé aux mains des Varègues (Vikings). La conquête de la « Sophie du Nord » par Ivan III « était motivée par la décadence des mœurs » propre à la démocratie. Ses libertés « étaient présentées comme barbares et primitives, sources de désordre et cause de leur faillite. Elles étaient opposées au pouvoir ordonné, régulateur, du monarque qui a « civilisé » Novgorod » (op. cit.). Nous retrouvons une matrice de sens similaire à celle du pouvoir poutinien contemporain et de son cercle (dont l’Église orthodoxe, ainsi que nombre d’idéologues, comme Alexandre Douguine). Il présente l’Ukraine sous la coupe d’un Occident décadent (voire « nazi », « sodomite » ou « sataniste ») qu’il convient de ramener dans le droit chemin, sous l’égide d’un pouvoir vertical incarnant la civilisation.
Cette présentation de Novgorod comme une démocratie dégénérée (ochlocratie selon Polybe), devant être redressée par le pouvoir autocratique, connut une longue postérité dans l’historiographie russe. Selon Sevastyanova, elle servit notamment de mythe fondateur légitimant l’autocratie tsariste, et « découragea toute étude des particularité de la vie politique de la ville et bloqua pour longtemps le libre accès des Russes à leur propre héritage historique. Dans leurs travaux, les historiens russes du XVIIIe siècle ne retinrent que les aspects négatifs du régime politique de Novgorod. Les Novgorodiens n’étaient plus qualifiés que d’ »obstinés » ou de « frondeurs » ; on désapprouvait leur « rage », leur « morgue », leur « côté rebutant », leur « inconsistance », leur « folie » ou leur « confusion » » (Sevastyanova, op. cit.).
Souveraineté du peuple, âge d’or, lutte des classes…
Mais d’autres lectures plus ou moins mythiques de la « Sophie du Nord » seront développées dans les époques ultérieures. Sevastyanova les décrit minutieusement, et je ne peux que les synthétiser ici. Après Catherine II et sous l’influence de philosophes français (comme Levesque), Novgorod deviendra « le symbole de la liberté passée du peuple russe » et influencera la littérature et le théâtre russes du XVIIIe siècle parmi les détracteurs de l’autocratie. Le personnage de Marfa occupera une place importante dans la légende novgorodienne, comme dans Marfa ou Novgorod subjugué de Karamzine (1803) qui, lui, reprend encore la thèse catherinienne dans laquelle les libertés sont synonymes « d’avarice et décadence des mœurs ». Pour Karamzine, comme pour Catherine II, « le salut de la ville résidait dans l’autocratie : le prince « apaisa les querelles intestines » de Novgorodiens, « il pacifia et magnifia leur ville ». Les Novgorodiens eux-mêmes maudirent leur funeste liberté et louèrent le pouvoir salvateur d’un seul » » (op. cit., je souligne).
A l’inverse, la ville occupa dans les publications libérales « la place d’un âge d’or, d’une période modèle de l’histoire russe », ce qui fut les cas des décembristes qui « citaient le régime républicain de Novgorod et de Pskov comme modèle d’un régime idéal (ibidem). Marfa sera à nouveau prise comme icône de l’affrontement entre la souveraineté populaire et l’autocratie, et il y aura au moins sept Marfa la possadnista aux XIXe et XX siècles, dont un poème d’Essenine, présentant des thèses parfois opposées.
Enfin, Novgorod incarnera « un jardin d’Eden, où l’ou vivait en communauté, dans un état de paix originelle et de concorde (…) il était de bon ton d’affirmer qu’autrefois, à une date reculée, toutes les terres russes étaient administrées de façon communautaire par le biais de rassemblement populaires qu’étaient les vetchés » (ibidem, je souligne). Cette conception sera aussi à l’œuvre chez les slavophiles et, plus tard, chez les communistes qui y ajoutèrent le « communisme primitif » des origines novgorodiennes, suivi par la lutte des classes au sein de la république (« bourgeoise »). « La libre Novgorod administrée par les riches boyards fut ainsi chassée de l’Eden communiste » (ibidem). La république prit dès lors le visage de boyards-exploiteurs.
Avec pas mal de contorsions, la chute de Novgorod « devint une étape sur « la voie du salut » communiste » (ibidem) qui, curieusement, passait par l’autocratie (Richard Pipes, 1974-2013, a bien souligné les affinités structurelles entre communisme bolchevique et autocratie). La Sophie du Nord fut également un symbole de la lutte contre l’ennemi germano-teutonique, magnifié par le film Alexandre Nevski d’Eisenstein qui se déroule en bonne partie à Novgorod. La lutte entre les combattants de Novgorod et les chevaliers teutoniques ressemble à celle de l’armée rouge contre les envahisseurs nazis. Chacun voit midi à sa porte.

Vue de Novgorod dans Alexandre Nevksi d’Eisenstein, Sainte-Sophie à gauche
(source capture d’écran du film)
« Amère leçon » à l’époque Poutine
Enfin, comme nous l’avions anticipé, la conception d’une Novgorod « inconsistante, folle et confuse » sera reprise sous Poutine, comme le souligne Sevastyanova à la fin de son chapitre. Cette partie est titrée « La démocratie à Novgorod, amère leçon à l’époque de Poutine. Retour à la conception de Catherine II ? ». Les déceptions liées à la chute de l’URSS et à la crise économique de la période « libérale » de la décennie 1990 ont détourné l’attention de Novgorod. Elles ont tiré « des leçons amères de la démocratie » des années qui suivirent la fin de l’URSS, écrit Sevastyanova. « C’est seulement à l’époque de la réaction politique [qui a succédé aux années libérales], qu’on en est venu à reconsidérer l’histoire de Novgorod en Russie » (ibidem).
Une série d’émissions télévisées de 2009, basée sur l’histoire de la ville, était titrée « Qui sommes-nous ? Leçons sur la démocratie russe tirées de Novgorod » fut réalisée par Félix Razoumovski[1]. Le contenu, sans surprise, est du même type que les analyses de Catherine II. Mais en plus, la description du vétché fait la part belle aux rapprochements avec la perestroïka et les évènements des années 1990. Et sans surprise, Razoumovski « est revenu à la nature salvatrice du pouvoir autoritaire pour la Russie que défendait Catherine II » (ibidem). Et il ajoute notamment que, si Novgorod n’avait pas été conquise par Ivan III, elle aurait été, tout comme l’Ukraine, colonisée par la Pologne et la Lituanie.
De plus, ajoute l’historien russe dans sa série télévisée, « ce n’est pas tant Novgorod qui a été conquise par le prince, que le régime politique de la ville qui se serait effondré tout seul, en raison (…) de sa cupidité et de la décadence des mœurs. Ivan III aurait conquis Novgorod non pas par la force mais par l’équité et la vérité. « L’absence de bonnes mœurs, la décadence morale, voilà ce qui menaçait le plus la république de Novgorod » » (Razoumovski, cité par Sevastyanova, ibidem). On remarquera l’insistance répétée sur les « bonnes mœurs » et « la décadence », qui font écho à la « Gayrope » ou « Euro-sodom ».
Et l’auteure conclut : « De cette manière, un virage s’est à nouveau produit dans la Russie de Poutine faisant apparaître la démocratie comme une forme d’anarchie et d’absence d’ordre (…) L’image de l’ancienne Novgorod a bouclé la boucle et est redevenue, avec quelques variantes mineures, ce qu’elle était à l’époque de Catherine II » (ibidem). C’est, si l’on peut dire, « le retour du même » dans un parcours historique frappé d’une compulsion de répétition oscillante dont la Russie est familière. Dans ce contexte, c’est la Novgorod libre qui fait retour comme emblème des opposants russes au régime de Poutine.
Blanc, bleu, blanc
« L’esprit de liberté » ne sera en effet ni abandonné ni oublié, pas davantage que Novgorod, contrairement à ce que donne à penser le titre Novgorod ou la Russie oubliée. Les couleurs brandies par des opposants à Poutine, tels Kasparov et beaucoup d’autres, en témoignent.
Comme l’écrit Isabelle Mandraud (2022) au sujet des exilés russes qui brandissent l’étendard blanc-bleu-blanc : « Conçu en ligne après le début de la guerre, ce nouvel étendard russe s’inspire de celui de la République de Novgorod du XIIe siècle, restée dans les esprits comme l’incarnation d’une expérience démocratique. Sans la couleur rouge assimilée à la violence, il se mêle désormais aux manifestations pro-Ukraine. »

Manifestation contre la guerre en Ukraine
(source Wikipédia en langue russe)
Un article de Meduza (16 mars 2022), la revue d’opposition russe en ligne, raconte la genèse de ce nouveau drapeau. Ce fut dans les premiers jours de l’invasion de l’Ukraine que les opposants russes cherchèrent un symbole pour se fédérer et se distinguer. Beaucoup d’entre eux choisirent un nouveau drapeau russe, sans la couleur rouge qui symbolisait le sang versé en Ukraine.
Une jeune « designeuse » russe de Berlin, Kai Antonina, publia dès le 28 février 2022 (quatre jours après le début de l’invasion) le drapeau russe « sans la bande rouge, sanglante » sur sa page Facebook. Mais d’autres Russes, en exil ou en Russie, en vinrent à la même idée. L’un, anonyme car vivant en Russie, le publia, lui, le 27 février sur Twitter. D’autres le firent également et il n’y eut pas de disputes sur la paternité du drapeau. C’est une création collective, qui en dit long sur la mémoire de Novgorod. Mais que représente ce drapeau selon Meduza ?
Selon eux, le drapeau implique quatre choses : « references to the former flag of Veliky Novgorod, a town known as the “the cradle of Russian democracy” ; resembles the Belarusian white-red-white protest flag ; brings to mind sky and snow ; isn’t already used by another country. »
Comme on le lit, la référence à la République de Novgorod est première, ce que souligne Meduza en citant un de ses créateurs russes (the Fish) : « The point about Novgorod is “ideologically important” right now, as the war with Ukraine rages on. “Part of the original idea was to reference Novgorod, the historical center of northern Rus, and there are several reasons for that,” the Fish Sounds account owner told Meduza. “First of all, it’s a symbolic rejection of the encroachment onto the territory of southern Rus — Kievan Rus — and of any claims to independent territories that were previously part of the Russian Empire with the tricolor flag. Secondly, it’s a symbolic tribute to the Novgorod Republic, which had the beginnings of decentralized public administration. Thirdly, it’s a rejection of the tsarist, autocratic state, and of authoritarianism and military expansion. » (Les non-anglophones trouveront sur la Toile les ressources pour traduire, bien mieux que je ne pourrais le faire).

Manifestantes russes à Tbilisi
(source Wikipédia en langue russe)
On ne peut être plus clair et précis : le choix du drapeau fait référence, à l’interne, au rejet de l’autocratie, notamment poutinienne, par le biais du symbole de la république de Novgorod. Mais il est également, à l’externe, un rejet de l’expansionnisme de l’Empire russe, notamment en Ukraine. C’est, sans être dit, le drapeau d’un État-nation russe limité qui ne serait plus un Empire autocratique en expansion « qui se colonise lui-même » (Pipes citant l’historien russe Klioutchevsky, 2013), et quelques autres en passant.
Prenons-en acte et pensons à l’avenir de la Russie, débarrassée de son hubris impérial, du mythe de l’UN (« Russie Unie », le parti de Poutine) supposément légitimé par Dieu dont Poutine serait « l’envoyé », et du pouvoir patrimonial d’un seul. D’une nation russe qui serait capable d’assumer, sur son immense territoire, les divisions et les séparations internes (celle des pouvoirs, celle de l’Église et de l’État, et bien d’autres, comme celle des diverses régions et « républiques autonomes » composant la Fédération), propres à un régime démocratique en devenir, qui ne regarde pas l’avenir dans le rétroviseur. Mais il est vrai que, comme l’écrivait Gauchet (2003) recoupé par Ackerman et Courtois (2022), les sociétés humaines « sortent de l’hétéronomie à reculons »…
Bernard De Backer, février 2023

Manifestation pour l’Ukraine à Bruxelles le 25 février 2023, avec drapeau bleu et blanc à gauche et en arrière-plan. Le bleu à gauche est sans doute celui du drapeau ukrainien. Ceux en arrière-plan sont peut-être estoniens.
(photographie de l’auteur)
P.-S. Cet article ne constitue pas une recension complète de Novgorod ou la Russie oubliée. Je n’ai pas pu rendre compte de la richesse de ce livre de plus de quatre cents pages, très dense. Je n’ai fait qu’y puiser des informations utiles pour situer la lignée historique des opposants russes au régime de Vladimir Poutine, se revendiquant de Novgorod.
D’autre part, cette plongée dans l’histoire russe millénaire (et la géographie, aussi importante à mes yeux) à travers celle de Novgorod, montre combien la prise en compte du « temps long » est utile, voire nécessaire, pour décoder les phénomènes contemporains. Certes, l’histoire s’accélère semble-t-il, mais elle marche toujours dans ses pas, elle reste dépendante « du chemin parcouru ». Comme le notait Richard Pipes (1974, 2013), les bolcheviks voulaient « faire table rase » du passé, mais reproduisaient sans le savoir nombre de paramètres du tsarisme (dont une forme de « nouveau servage » avec la collectivisation), y compris leur nom (de bol’chak, chef de la communauté paysanne). C’est bien pour cela que la « révolution » s’est produite et s’est maintenue en Russie (ou en Chine), contrairement aux prévisions de la théorie marxiste. En Occident, « le charme universel d’octobre » (François Furet) agissait comme l’attracteur d’une sacralité perdue, dont témoigne l’histoire d’un Pierre Pascal, fervent catholique devenu léniniste ardent.
Enfin, la modernité démocratique et culturelle, d’origine occidentale, s’est répandue dans le monde, où elle peut susctiter une « démocratophopie » accompagnée de violentes réactivations fondamentalistes qui « regardent l’avenir dans le rétroviseur ». Cette modernité occidentale – qui est une « sortie de la religion » comme cadre structurant millénaire qui se trouve délégitimé – est souvent perçue comme inquiétante (comme l’était, mutatis mutandis, la république de Novgorod), y compris en Europe. En témoignent, parmi d’autres, les livres du psychanalyste belge Jean-Pierre Lebrun, dont les titres concernant le monde moderne sont évocateurs : Un monde sans limite, L’homme sans gravité, Un immonde sans limite. J’ai fait la comparaison avec la Russie poutinienne dans un billet d’humeur de La Revue nouvelle : « Apocalypse pour tous« . La fixation du discours de Poutine sur les homosexuels et les pédophiles, « la décadence des mœurs occidentales », n’est pas anodine. On la retrouve par ailleurs en Europe occidentale, dans certains pays et/ou segments de la société.
Notes
[1] Historien, Felix Razoumovski est notamment l’auteur d’une lettre datant de février 2014. Selon Georges Nivat : “ Il parut en février une lettre publique au titre ronflant : Le démon du défaitisme – signée par le poète Koublanovski, l’historien Felix Razoumovski et le mathématicien et ancien zek Valeri Senderov. « Nous avons l’impression que la nouvelle intelligentsia d’opposition conduit le pays à un nouveau février, c’est-à-dire à une nouvelle destruction.» Il s’agit de février 1917, bien sûr, où tout fut perdu, pensait Soljenitsyne. L’Ukraine est pour les signataires de cet appel un cheval de Troie occidental….», Le Temps, 27 mai 2014 (je souligne). Georges Nivat est un historien français, spécialiste du monde russe. Il est le père de la journaliste Anne Nivat, souvent présente sur les plateaux consacrés à la guerre en Ukraine.
Références
- Ackerman Galia, « Une société pseudo-conservatrice qui marche à reculons », in Ackerman G. et Courtois S. (dir.), Le livre noir de Vladimir Poutine, Robert Laffont, 2022
- Cendrars Blaise, La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, dite par Vicky Messica (une mise en onde envoûtante)
- Courtois Stéphane, « La fuite en avant de Vladimir Poutine vers le passé », in Ackerman G. et Courtois S. (dir.), Le livre noir de Vladimir Poutine, Robert Laffont, 2022
- De Backer Bernard, « Les vieux habits du président Poutine », La Revue nouvelle, novembre 2014
- Frison Philippe et Olga Sevastyanova (dir.), Novgorod ou la Russie oubliée, Le Ver à Soie, Virginie Symaniec éditrice, 2015 (le livre semble en accès libre en format pdf sur le site de l’Université d’Aberdeen où travaille Olga Sevastyanova)
- Gauchet Marcel, La condition historique, Stock, 2003
- Gonneau Pierre, Novgorod. Histoire et archéologie d’une république russe médiévale (970-1478), Aux éditions du CNRS, 2021
- Kappeler Andreas, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux, CNRS éditions, 2022
- Mandraud Isabelle, « Cent ans après la révolution bolchevique, le nouvel exode russe », Le Monde, 30 septembre 2022
- Malfliet Katlijn, « Un État patrimonial », La Revue nouvelle, dossier « Russie, le retour du même ? », avril 2012
- Pipes Richard, Histoire de la Russie des tsars, Paris, éditions Perrin, mars 2013 (traduction de Russia under the Old Regime, 1974). Il a fallu 39 ans pour que ce livre magistral soit traduit en langue française…
- Sivtsova Sasha, « A new symbol of Russia’s anti-war movement Meduza explains the origins of the white-blue-white flag », Meduza, 16 mars 2022
- White-blue-white flag, Wikipedia (également en français et bien évidemment en russe)
La Russie sur Routes et déroutes (avec bibliographies)
- Ukraine : d’Holodomor à la dénazification
- Peuples frères : l’espace et le temps
- Vladimir l’Européen
- Le Tsar, c’est moi
- Eurasisme, revanche et répétition de l’histoire
- Les vieux habits du président Poutine
- Apocalypse pour tous
- Tous les articles en lien avec la Russie
Etonnantes, en effet, les comparaisons que l’on peut faire avec la situation actuelle. Les vétchés versus un pouvoir autoritaire et vertical, le soutien de l’église orthodoxe au tsar, l’absence de liberté d’expression, l’accusation d’atteintes aux mœurs et de dégénérescence (argument repris aujourd’hui encore par Poutine dans son discours à la fois violent et ridicule).
Dans Télérama de cette semaine (daté du 22.02), l’écrivain Andreï Kourkov dit ceci : « Les Ukrainiens n’ont jamais eu de tsar, ce sont des individualistes, des anarchistes, qui s’accommodent mal de l’autorité. » (Il souligne cependant que la solidarité est une valeur forte pour ces individualistes et qu’elle s’exprime dans le terme toloka qui signifie « travail communautaire réalisé pour le bien commun ».)
J’aimeJ’aime
De fait Michel. Je pense depuis longtemps que l’on ne comprend rien à cette guerre, plus exactement à cette « opération spéciale de police coloniale », si l’on ne la situe pas dans l’histoire longue et la géographie, dans la « géoculture historique » (pour faire court). Tous les géopolitologues qui s’agitent sur les médias, à quelques exceptions près, ont le nez sur le contemporain. C’est d’ailleurs bien souvent pour cela qu’ils n’ont rien vu venir. Je résume…
J’aimeJ’aime
L’avis de l’éditrice : « Votre article est magnifique. J’ai rarement lu aussi complet et précis. Je vous en remercie infiniment, également au nom de l’équipe de rédaction du livre à laquelle je ne manque pas de le transmettre. Cela fera chaud au coeur aux deux rédacteurs principaux. »
J’aimeJ’aime