Vladimir Poutine et le Patriarche Kirill
(source Radio Canada)
Cette analyse trouve son origine immédiate dans un témoignage, venant illustrer des réflexions et constats antérieurs. Une jeune slave orientale, ayant trouvé refuge en Belgique, exprime sa crainte de rester en Europe. Elle a peur que sa fille ne devienne transgenre. Plus fondamentalement, elle pense que les Européens accueillent ses compatriotes pour les épouser, faire des enfants, et dissoudre ainsi l’identité de son pays. Il me semble qu’il ne faut pas ironiser sur ses craintes plus ou moins complotistes, en partie héritées du monde soviétique et de la propagande poutinienne. Je pense qu’elles expriment quelque chose de plus profond : la peur du monde occidental « décadent » générant, pour faire court, « une perte des pères et des repères ». Je l’avais déjà rencontrée il y a de nombreuses années en traversant la Hongrie à vélo. Un soir, dans une petite ville de la Puszta, un étudiant hongrois anglophone me confia que l’intégration européenne allait dissoudre l’identité hongroise. C’était bien avant Orban. Qu’en est-il de la Russie ? Le poutinisme, qui « marche à reculons » (Ackerman, 2022), serait-il aussi une réaction néo-traditionaliste face au caractère dissolvant de la modernité européenne ? En partie, sans doute. Argumentons.
« Pour Vladimir Poutine, qu’il faut prendre au mot sur ce point, il s’agit d’un conflit existentiel, mené contre le système de valeurs qui constitue le cœur du modèle européen »
Éditorial du Monde, 23 février 2024 (nous soulignons)
« Il faut ajouter que ce discours nous semble étranger car la société russe est, à tort ou à raison, considérée comme européenne ou culturellement proche.
Le mélange d’un langage vulgaire, sexualisé, machiste et de références historiques juxtaposant visions historiques ou religieuses très personnelles et promesses de fin du monde purificatrices, correspond mal à nos catégories intellectuelles, ce qui produit l’effet habituel : la négation ou le passage sous silence de ce qui ne fait pas totalement sens. »
Élisabeth Sieca-Kozlowski, Poutine dans le texte, 2024
« La métamorphose de la Russie poutinienne en secte eschatologique couvait depuis longtemps. On se souvient que Poutine avait déclaré en novembre 2018 qu’en cas de guerre nucléaire, « nous, en tant que victimes d’une agression, nous, en tant que martyrs, irons au paradis, et eux [les ennemis de la Russie] mourront tout simplement. Parce qu’ils n’auront même pas le temps de se repentir. » »
Françoise Thom, La grande imposture russe, Desk Russie, 14 avril 2024
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