
Vue de la rive gauche du Dniepr à partir des hauteurs de Kiyv
(photographie de l’auteur)
Dans un sous-bois de feuillus épars, des bouleaux ployant sous des bourrasques ombragent un tapis d’herbes grises. Le regard du spectateur, guidé par une caméra qui se faufile entre futaies et touffes d’herbe, accompagne un couple qui arpente le bois. Ils se parlent, évoquent des évènements lointains, marchent d’un lieu à l’autre, franchissent des fondrières gonflées d’eau. Le vent forcit et écarte les branches alors que la caméra se rapproche du couple. Lui — un visage doux à la peau légèrement grumeleuse — raconte qu’un charnier se cache ici, sous terre. « C’est là que des gens de notre rue ont été enterrés ; la maison de mon père était à huit-cents mètres », dit-il d’une voix ferme, teintée de colère. Des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants sont morts, avant la Grande Guerre Patriotique. Un nom apparait dans l’image et indique que nous sommes dans le village de Khorshivka, dans l’oblast de Sumy. L’homme qui marche m’en rappelle soudainement un autre, originaire de cette même région proche de la Russie. Cette peau grêlée, ce visage doux, cette silhouette : ce doit être lui, l’ancien directeur de la banque nationale d’Ukraine qui était hanté par l’inflation et le spectre de la famine. Le plan suivant nous montre des champs en été. Alors qu’un choeur traditionnel a cappella s’élève dans un bruissement de blés murs et des stridulations d’insectes, une paysanne couverte d’un fichu noir émet un voeu. « Que personne n’ait plus jamais à souffrir d’une chose pareille ».
Quatre doigts de pain
Certains écrits subissent un sort funeste aux abords d’un nouveau monument dominant le Dniepr, situé à proximité d’un des lieux les plus élevés de Kiev, la Laure de Petchersk. Vu de loin, l’édifice apparaît comme une grande bougie blanchâtre dont la flamme dorée fait écho aux dômes du monastère. Des oiseaux aux larges ailes remontent le polygone de pierre, mais leurs voilures ambrées sont entravées par des barreaux de métal noir. Gravées aux trois côtés du monument, les dates de grandes famines soviétiques qui dévastèrent l’Ukraine, sous le règne de Lénine, puis de Staline : 1921-1922, 1932-1933, 1946-1947.
Même si l’expression Holodomor (« tuer par la faim ») ne concerne que la famine de 1933 – dont le caractère génocidaire est attesté par certains historiens[1]- le monument est familièrement appelé « Musée Holodomor ». Il s’agit d’un Mémorial, conçu pour le recueillement et le souvenir. Sous la bougie de pierre, une grande salle circulaire abrite dix-neuf volumes noirs posés sur des lutrins. Des milliers de noms de victimes de la famine sont consignés dans ces martyrologues, regroupés par région. Entourant ce cercle central, des outils agricoles traditionnels, des sacs de blés, des charrettes… En arrière-plan, des images d’actualité soviétiques des années trente sont projetés en boucle sur le mur de la rotonde. Champs de blé, cohortes de soldats et d’activistes, campagnes parcourues de charrettes et de miliciens agités, koulaks enfournés dans des trains en partance pour la Sibérie, silhouettes saccadées de Staline et de Kaganovitch[2]- Lazare le Noir comme le surnommaient les paysans. En sortant du caveau sous une herse de métal noir qui ferme le boyau d’accès, on découvre le Dniepr s’écoulant en contrebas, frangé de glaces brisées et d’arbres nus. Un escalier descend vers le fleuve, bordé de murets sur lesquels sont gravées des citations d’auteurs qui ont documenté et dénoncé la famine : Lidia Kovalenko, Volodomyr Maniak, Vassili Grossman, Robert Conquest… On aperçoit des textes de Lénine au bas de l’escalier – non sur les parapets mais sur le sol, à hauteur de pied, comme pour être foulées. Certaines ont été badigeonnées de rouge.
Le patronyme de Viktor Iouchtchenko – ancien président ukrainien, originaire du village de Khorshivka, qui inaugura le Mémorial le 8 juillet 2009 – figure sans doute dans un des gros livres noirs[3]. Il n’apparaît plus à l’image maintenant. Nous sommes sortis de la séquence inaugurale filmée dans les sous-bois proches du village et la femme au fichu noir s’est tue. Le film nous transporte dans une maison de pierre, à Barry, dans le Pays de Galles. Un manuscrit a été découvert dans le grenier en 1990 et le cinéaste reproduit la scène, avec ouverture de cahiers étroits sur une table de bois. Ce sont les notes de Gareth Richard Vaughan Jones[4], journaliste qui voyagea clandestinement dans les campagnes ukrainiennes en 1933. Un de ses descendants lit des extraits du manuscrit dans un studio de Kiev. Sa lecture alterne avec le parcours de Vaughan Jones en Ukraine orientale (régions de Poltava et de Kharkiv) des images d’époque, des témoignages contemporains recueillis dans de lointaines campagnes.
Des survivants de la faim, des déportations, des hordes nazies et des embardées du socialisme réel – incroyables visages de vieillards ravinés et taillés à la serpe, filmés dans le clair-obscur de leurs maisonnettes paysannes – racontent leurs souvenirs d’enfance sur fond de bêlements d’ovins et de piaillements de volailles. De temps à autre, des femmes entament de vieux chants traditionnels à déchirer l’âme. Un homme assis sur une petite chaise de bois s’exclame. « Ooh ! Ooh ! J’étais juste un enfant ! Nous étions en 1932, ou quelque chose comme ça. Ma grand-mère – qui vivait toujours – m’a dit : Volodia, allons dans les champs pour trouver un peu de blé. Nous avons marché un demi-kilomètre en dehors du village. Je n’ai même pas eu le temps de me baisser. Un homme armé est arrivé et m’a battu. Je me suis caché derrière grand-mère. Elle a crié : Mykola, ce n’est qu’un enfant ! Laisse-le ! Mais il me frappait comme un fou et nous a chassés du champ. Il ne restait quasiment plus rien, mais ils ne voulaient même pas nous laisser cela. Juste se coucher et mourir. Voilà comment nous vécurent. »
Une octogénaire vivace aux yeux brillants et au nez pointu, cheveux rebelles débordant d’un foulard coloré, revit une scène vieille de près de septante ans. « Mon frère, un jour, a reçu cent gramme de pain. Un bout comme mes quatre doigts. Il s’est agenouillé en face de Mère et a dit : Maman, mange cela. Elle l’a pris dans ses mains et nous la regardions (l’octogénaire éclate en sanglots). Chaque fois que je parle de ça, je ne peux retenir mes larmes. Je lui ai dit : Maman, mange pendant que je suis ici. Je vais le faire quand tu seras partie. Non ! Tu vas le lui donner ; si tu meurs, ils vont mourir aussi. Tous. Ils sont déjà tout gonflés ». Elle évoque le chemin de la gare, pour tenter d’y trouver des pommes de terre pourries dans un wagon en transit : « Il ne pouvait pas y avoir de plus grande torture. Je vous ai dit, nous serions morts s’il n’y avait pas eu cette femme à la gare. Les choses que, Maman et moi, nous avons mangé le long du chemin pour aller là-bas. Même des excréments humains, s’ils étaient solides ». Un paysan évoque les extorqueurs staliniens qui vidaient caves et greniers : « C’étaient des gens normaux, mais avec une conscience de chien ».
Byzance et Liona Cosmos
Dans la capitale ukrainienne, la famine ne semble pas menacer en ce tournant d’année qui nous conduit vers le vingtième anniversaire de l’indépendance. Mon ami Sacha, que j’ai retrouvé quatre ans après ma dernière visite, se porte plutôt bien. Il envisage l’acquisition d’une Fiat Punto et vient d’acheter un appartement avec sa femme Liouba, auteure de romans policiers et scénariste. Nous visionnons ses films sur un « home cinema » qui couvre la moitié d’un mur. Mais l’immense étendue grise de « casernes pour civils », comme les qualifiait Simenon, n’a guère changé. Pour distinguer les périodes de construction des barres d’immeuble, c’est toujours le nom du premier secrétaire du PCUS qui fait référence : immeubles hâtivement construits sous Khrouchtchev, avec leurs vérandas débordantes et leurs cages d’escalier vert pomme, tours grises et plus hautes érigées sous Brejnev, bâtiments couleur pastel qui datent de Gorbatchev.
Cependant, à la lisière d’une forêt tapissée de neige ou en bordure du Dniepr, dans la cité satellite d’Obolon qui donne son nom à une célèbre marque de bière, on aperçoit quelques « folies » pour nouveaux Ukrainiens, construites au début de ce siècle. Des tours immenses qui font penser à une version byzantine de l’Empire State Building, flanquées de banques « Fortune », de restaurants « Magnat » et de supermarchés « Fourchet » (ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre). Entre ces nouveaux quartiers verticaux, on érige des églises aux coupoles d’or mielleux, entourées de grands parkings. Plus loin, le long du fleuve aux rives figées de glace et de neige, des résidences individuelles, spacieuses et entourées d’un jardin clos, donnent sur une promenade en bord de Dniepr. L’accès est barré par une clôture de métal noir ; il faut descendre quelques marches pour poursuivre sa route en contrebas du promenoir réservé aux nouveaux riches. L’immobilier est une grande affaire à Kiev, malgré la bulle qui a récemment éclaté. Si le pays se vide par ses campagnes et ses provinces pauvres, une partie des flux migratoires se dirige vers la capitale où la population s’accroît sans cesse. Les affiches vantant les mérites d’immeubles en construction et les bureaux de « notarius » sont omniprésents.
Au centre de la Ville, de l’autre côté du Dniepr, les collines qui bordent la vallée du Krechtchiatik – les Champs Elysées de Kiev à l’architecture stalinienne sombre et massive – sont parsemées d’immeubles baroques entièrement restaurés. Entre façades ocres ou roses, d’énormes véhicules aux vitres fumées escaladent les collines en patinant dans la neige, mordent les trottoirs et s’immobilisent un peu n’importe où. Une Bentley remonte Andreïevsky Spousk – la vieille ruelle pavée où vécut Boulgakov et qui relie la ville basse de Podol aux beaux quartiers rénovés de la place Sainte Sophie -, un Hummer bleu nuit bloque le trottoir, une Jaguar anthracite glisse dans la neige.
Près du Parlement, une boutique de luxe est bordée de véhicules hauts perchés. Au moment de capter leur image, un garde privé se précipite vers moi : « C’est interdit, pas de photos ! ». Je persiste, il revient, je l’interroge. « Vous êtes de la Milice[5] ? ». Le garde reste poli, me parle en anglais. Non, il n’est pas de la Milice, il est un garde privé. « Le trottoir est une espace privé ? ». Non, mais on ne peut pas photographier les voitures ici, c’est interdit. Des politiques et quelques loups du business, sans doute, souhaitent faire leurs emplettes en toute discrétion. « Tu as de la chance, me dit un jeune historien rencontré deux jours plus tard aux abords de Maidan[6], il a vu que tu étais étranger. Moi, il m’aurait frappé ».
Plus loin, de larges espaces commerciaux sous coupole de verre bordent la Place de l’Indépendance où se dresse un sapin de Noël sponsorisé par le chocolat Milka. La publicité est omniprésente et le vieux métro soviétique regorge d’annonces colorées. Tous les espaces libres sont convoités : piliers de marbre, escalators, rames, fenêtres, murs. On projette même des clips sur les parois tubulaires avant le passage des rames. Les vieilles citations de Lénine, gravées sur des moulures mordorées au sommet des piliers, sont encadrées de réclames pour produits alimentaires, projets immobiliers, ordinateurs ou téléphones portables. Les propos léninistes gardent encore le haut du pavé, cernés par un mercantilisme exubérant qui monte à l’assaut des colonnes de marbre.
Quant au maire de Kiev, Léonid Tchernovetski, sa disparition épisodique alimente les plus folles rumeurs. Surnommé Liona Cosmos pour ses velléités de premier touriste spatial ukrainien, l’oligarque proche du pentecôtisme organise des conférences de presse en maillot de bain pour exhiber sa santé fringante. C’est un ancien banquier qui s’est fait un joli magot à l’époque de Gorbatchev. Selon Kiev Post, la fortune de ce beau carnivore – qui se serait fait élire auprès des populations démunies, notamment en distribuant des paquets de céréales à des babouchkas – est estimée à sept-cents millions de dollars. Si la manne céleste du maire évanescent apparaît moins cruelle que les exactions des activistes staliniens, elle témoigne cependant d’une conception assez rustique de la démocratie. Quant à l’Eglise pentecôtiste[7], elle serait bien implantée dans le pays à en croire son site web où les invitations pressantes à faire des donations (Master Card et Visa acceptés) pour soutenir la vraie foi sont bien en vue. Aux dernières nouvelles, cependant, le pasteur serait en prison pour escroqueries immobilières dans lesquelles de nombreux kiéviens auraient été floués.
Clair-obscur
On a beau avoir voyagé une quinzaine de fois dans ce pays insaisissable, arpenté les Carpates et la Bucovine du Nord en partageant des repas paysans arrosés de palinka, traversé les montagnes de Crimée, flâné dans les rues d’Odessa ou de Lviv, séjourné à Kharkiv et crapahuté sur les terrils de Donetsk, le « Pays des confins » paraît plus exotique que jamais. Si un capitalisme frénétique submerge Kiev où la richesse ostentatoire et le clinquant semblent faire la loi, les coups de klaxon sont rares, pas une seule sirène ne déchire l’air, et les voitures s’arrêtent devant les piétons. Mes hôtes et leurs amis sont merveilleusement prévenants, les passagers sont courtois dans le métro et cèdent la place aux dames et aux personnes âgées (la consigne est répétée à chaque arrêt), les clients de la poste demandent poliment aux gens assis dans quelle file ils se trouvent. A l’exception de quelques soulards et de pickpockets qui vous font le truc du « portefeuille tombé » aux abords du Krechtchiatik, tout le monde est pétri d’une candeur un peu rude mais bon enfant. Même dans les banlieues où des bazars hétéroclites s’entassent sous des bretelles d’autoroute – boutiques de téléphones mobiles, marchands de vêtements chinois, étals de poissons et de légumes – tout paraît calme. A la foire du livre, Liouba dédicace ses romans un bonnet de Père Noël sur la tête alors qu’à Lviv, elle avait participé à un « défilé de mode de jeunes écrivains ». Sacha, dont un portrait serrant la main de Iouchtchenko orne ma chambre, a descendu la Volga l’été dernier, avec les participants d’un festival international de dessin animé qui se déroule sur un bateau.
A la Saint-Sylvestre, nous nous dirigeons vers Maidan pour assister au feu d’artifice. Les rames du métro sont remplies de Pères et de Mères Noël, d’enfants arborant des lumières clignotantes, d’adultes patelins et de jeunes un peu éméchés. Tout ce beau monde se dirige vers le Krechtchiatik transformé en large piétonnier. Il fait moins quinze sous une fine averse de neige et des brassées de piétons tanguent sous les illuminations auréolées. Aux abords de la place qui vibre sous les light shows, on aperçoit une foule immense qui agite des feux de Bengale et des bougies dans le crépitement des caméras et des téléphones portables. A la fin du décompte, un hurlement s’élève vers les cieux remplis d’étoiles filantes. Nos amis débouchent un flacon de cognac de Transcarpathie que nous sifflons en dégustant des mandarines et des petits gâteaux aux pommes. Au retour, d’innombrables jeunes Miliciens, molletonnés comme de grosses poupées bleues, encadrent la foule qui se rue à nouveau dans le métro pour retraverser le Dniepr. Dans une station, nous croisons un mendiant anéanti au teint jaune, un mort-vivant grelottant dans le froid et la solitude. Je pense à Grossman qui, journaliste stalinien dans les années trente, ignora une paysanne affamée suppliant « du pain, du pain » à la gare de Berditchev.
La Ville semble toute entière baignée de clair-obscur. La veille, alors que je me promenais dans les beaux quartiers illuminés de la ville haute, Iouri Loutsenko, ancien Ministre de l’intérieur de Ioulia Timoshenko, était arrêté quelques rues plus loin par une escouade de troupes d’élite « Alfa », alors qu’il promenait son chien avec son fils. Près d’une vingtaine de Ministres et de hauts fonctionnaires de la défunte révolution orange sont derrière les barreaux. Timoshenko est assignée à résidence dans Kiev et l’ancien responsable de l’économie, Bogdan Danilichine, a obtenu l’asile politique à Prague. Un cacique du Parti des Régions (celui de l’actuel président, Viktor Ianoukovytch) qui en savait trop, semble-t-il, aurait été abattu lors d’une partie de chasse. Les règlements de compte, l’opacité financière et judiciaire, l’économie souterraine, la pression sur les médias semblent régner en maître. Sacha, caustique à ses heures, me montre la vidéo d’une bataille rangée au parlement (cinq hospitalisations), opposant députés du Bloc Timoshenko et partisans de Ianoukovytch, suite à l’assignation à résidence de la rivale du président en décembre 2010. L’heure de la revanche semble avoir sonné et le mandat des députés a été curieusement prolongé jusqu’en octobre 2012. D’ici-là, la tenue de l’Euro 2012 à Kiev aura eu le temps d’occuper les esprits…
Dans un bistrot près de Maidan, le jeune historien me confie ses craintes d’une dérive autoritaire du pays. Nous parlons longuement, presqu’à voix basse (les habitudes reviennent vite), de la situation politique depuis l’élection de Ianoukovytch. Il réside dans la rue voisine de celle de Sacha et nous regagnons ensemble la lointaine banlieue en retraversant le Dniepr. Dans la pénombre blafarde, baignée de brume ouatée, la neige est froide et coriace au pied des barres d’immeubles séparées par des chemins de terre et des petits bois. Une ombre, surgie soudainement des arbres, a capté notre conversation en anglais et se dirige vers nous. C’est un homme épais, suant l’alcool et vacillant sur ses jambes. « Je peux vous aider ? » marmonne-t-il d’un air torve. Le beau visage aimable de mon voisin se fige dans une expression de sévérité sans réplique. L’homme à la conscience de chien n’a pas demandé son reste.
Bernard De Backer, 2011
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Complément du 11 novembre 2020. Memorial International, le Centre Eltsine (et Mémorial France) vous invitent à la projection en ligne, du documentaire « Big Lies » d’Igor Runov (USA, 2019, 40 min. Sous-titres en anglais) suivie d’une rencontre avec le réalisateur le 14 novembre 2020 à partir de 14h30 (16h30, heure de Moscou). « Trois personnes âgées – deux femmes et un homme, qui vivent dans différentes régions de la Russie – racontent à un écrivain américain leur sauvetage miraculeux lors de la terrible famine du début des années 1930. »
Notes
[1]C’est le point de vue auquel a finalement souscrit Nicolas Werth (2007). L’historien français prépare un ouvrage consacré spécifiquement à la famine de 1933.
[2]Envoyé plénipotentiaire de Staline en Ukraine et grand organisateur de la famine de 1932-1933. Distingué comme « héros du travail socialiste » en 1942. Lazare Kaganovitch mourut en 1990 dans ce qui était encore l’URSS, à l’âge respectable de 97 ans.
[3]Référence possible au Livre noir écrit par Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg, à l’initiative du Comité antifasciste juif, qui consigna les atrocités commises par les nazis contre les populations juives en URSS et en Pologne. Sa publication fut interdite en URSS et les principaux dirigeants du Comité antifasciste furent exécutés en 1952.
[4]Né en 1905, Vaughan Jones est un journaliste gallois. Sa mère avait été la tutrice des enfants d’Arthur Hugues, le fils de l’industriel John Hugues qui développa la sidérurgie dans le bassin du Donbass (Ukraine orientale). C’est en son honneur que la ville qui se forma autour des industries fut nommée Yuzovka (« le petit Hugues »), avant d’être rebaptisée Stalino (en l’honneur de l’acier et non du Guide) puis Donetsk. L’enfance de Vaughan Jones fut bercée par les histoires que racontait sa mère et il décida d’apprendre le russe, puis de voyager en URSS. Suite aux rumeurs de famine qui lui parvinrent à Londres, il pénétra clandestinement en Ukraine en mars 1933. Ses reportages attestant de la famine furent vivement attaqués par le journaliste américain Walter Duranty dans le New York Times. Gareth Richard Vaughan Jones fut assassiné en Chine en 1935.
[5]La Milice (« Militsia ») est un organe semblable à la police et chargée de l’ordre public.
[6]Maidan Nezalezhnosti, Place de l’indépendance, située à l’une des extrémités du boulevard Krechtchiatik. Cette place centrale de Kiev a acquis une signification politique nouvelle lors des protestations contre le président Koutchma en 2002, puis à l’occasion desgigantesques manifestations de la Révolution orange de 2004.
[7]The Embassy of the Blessed Kingdom of God for All Nations, fondé à Kiev en 1994 par le pasteur nigérian Abosede Adelaja. La page biographique du fondateur mentionne notamment : « Le Wall Street Journal le qualifia de Un homme avec une mission, celle de sauver Kiev et le Président ukrainien Iouchtchenko, connu pour son engagement dans la révolution orange pour la démocratie en Ukraine ».
Références
- Vivants (« Zhyvi »), film de Serhiy Bukovskyi, Lystopad Film Studio, Ukraine 2008 (mes remerciements à Andriy Portnov qui m’a fait connaître ce film)
- Nicolas Werth, « La grande famine ukrainienne de 1932-1933 », dans La terreur et le désarroi. Staline et son système, Perrin 2007
- Tzvetan Todorov, « Le siècle de Vassili Grossman », dans Mémoire du mal, tentation du bien, Editions Robert Laffont, 2000
- Les Cahiers Ukrainiens, un récit-témoignage d’Igort, Futuropolis, 2010
- Musiques traditionnelles d’Ukraine, 1993, deux CD édités par Silex Mosaïque, enregistrements réalisés par Hubert Boone (de 1991 à 1993) et archives d’Olena Chevtchouk
- Donat Carlier, « Holodomor 1933 : « le cimetière de la rude école » », dossier « Où va l’Ukraine ? », La Revue nouvelle, octobre 2006
- Bernard De Backer, « Holodomor, les enjeux d’une reconnaissance tardive », La Revue nouvelle, décembre 2008