
Ses souvenirs émergeaient lentement dans la douleur, sa tête posée sur son sac à dos couvert de neige. Il finit par tenter de remuer ses jambes, puis ses bras pour palper les pourtours de son visage, bleui par le froid. La chute lui semblait lointaine, comme appartenant à un monde évanoui : un épais brouillard givrant, des rochers noirs, un silence assourdissant – et ce sentier qui demeurait introuvable. Ils avançaient à deux, le jeune et le plus âgé, sur des éboulis qui glissaient sous leurs pieds. La veille, ils avaient bivouaqué à plus de trois mille mètres, la tente montée au milieu d’un cercle de pierre. La neige avait été fondue sur leur Primus, pour le thé et un bout de repas. Puis ils s’étaient engouffrés dans leurs duvets, ne laissant dépasser que les cheveux qu’ils découvrirent givrés le lendemain matin. Partis un peu tôt en saison pour cette randonnée aventureuse autour d’un massif très alpin, leur marche avait débuté difficilement. Mais cette fois, l’accident avait comme surgi du néant.
« La randonnée est une servitude volontaire où l’on décide du joug que l’on s’impose parce qu’il est synonyme d’une amitié supérieure avec le monde. »
Pascal Bruckner, Dans l’amitié d’une montagne
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