False self

False self

Comment arrivais-je à m’arranger avec moi-même quant à ce qui se passait ? Je
supposais que tout ce que Khan faisait de mal avec moi était justifié et que j’apprenais
à accepter des vérités intimes ; que c’était extraordinairement douloureux mais que
c’était l’essence d’une bonne et véritable analyse. Nous ne faisions pas l’une de ces
analyses mollassonnes qu’imagine un public ignorant, au cours de laquelle un lamentable névrosé ne parle que de lui et est passivement écouté et complaisamment encouragé.

Godley Wynne, « Sauver Masud Khan », Revue française de psychanalyse, 2003.

L’histoire sulfureuse et instructive du psychanalyste britannique d’origine pakistanaise, Masud Khan (1924-1989), analysant — et éditeur — de Winnicott pendant une vingtaine d’années, remonte à la surface, avec la publication de sa biographie fouillée par la psychanalyste américaine Linda Hopkins en projet de traduction en langue française. Ce retour sur Khan fut entrepris par le témoignage accablant du célèbre économiste britannique Godley Wynne, un de ses patients de 1959 à 1966, dans la London Review of Books en 2001. Wynne dont la seconde femme, Kathleen Epstein, avait épousé en premières noces le petit-fils de Sigmund Freud, le peintre Lucian Freud, et qui était elle-même en analyse avec Winnicott. Il faudrait sans doute construire un graphe, comme Michel Schneider l’avait fait pour le réseau analytique de Marylin Monroe, afin d’entrevoir le nouage des multiples relations psychanalytiques (cures, supervisions…), éditoriales, artistiques et mondaines du « beau Londres » de la seconde moitié du XXe siècle. C’est donc l’histoire d’un homme flamboyant et d’un analyste très en vue qui, à la fin de sa vie, sera exclu de la British Psychoanalytical Society. Mais c’est aussi celle d’une communauté analytique, — analystes, « étudiants » et « patients » —, dans la mesure où elle révèle, entre autres, la force d’attraction charismatique que les transgressions et les outrances d’un de ses membres exerça sur elle.

Bernard De Backer, 2015

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Castor de guerre

Castor de guerre

Ma vie serait une belle histoire qui deviendrait vraie au fur et à mesure que je me la raconterais.

Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée

En couverture, une photographie en noir et blanc, datée de 1939, montrant le portrait d’une femme au regard à la fois déterminé et fragile, mâchoire serrée et visage tendu. Au dos de l’image envoyée à Jacques-Laurent Bost, il y a, nous apprend Danièle Sallenave, cette signature étonnante : « Castor de guerre ». Suivent sept cents pages d’un livre éponyme, un texte dense et puissamment documenté, divisé en onze chapitres titrés chacun d’une phrase écrite par Simone de Beauvoir. La première donne immédiatement le ton : « Je promène un dieu en moi… » C’est sous les auspices de cette perception combattante et démiurgique que Sallenave va retracer de manière minutieuse le parcours du « Castor » dans son siècle. Cela sur la base des nombreux volumes de mémoires publiés au pas de charge, mais également des essais, de romans et de textes posthumes, ainsi que d’autres sources, notamment en provenance de proches, membres ou non des « familles » successives. Le tout placé dans le contexte historique, politique et culturel de cet âge des extrêmes que fut le XXe siècle, comme le souligne la quatrième de couverture en référence à Hobsbawm.

Bernard De Backer, 2010

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