Trump et le pire du « Sud global »

Portrait officiel de Donald Trump, photographie de Vladimir Poutine en 2025
(source Wikipédia)

Les dynamiques politiques internes aux pays occidentaux et les tensions géopolitiques externes avec le « Sud global » ne doivent pas, à mon sens, être disjointes. Bien au contraire :  je pense qu’elles s’emboîtent et se télescopent selon les tendances d’une évolution structurelle et historique profonde. Le texte qui suit est l’un des plus courts publiés à ce jour sur Routes et déroutes, alors que son sujet est certainement le plus vaste qui ait été abordé. La raison en est simple. Ce que j’y développe et argumente se présente sous la forme d’une brève grille de compréhension de ce qui se manifeste en pleine lumière aujourd’hui. Elle est fondée sur de nombreux articles publiés ou republiés ici. Ces derniers, avec leur propre documentation, sont repris par thématique dans les sources de ce texte. J’ai cette analyse en tête depuis plusieurs années, mais je ne l’avais jamais explicitée de cette manière. Outre les différents évènements que nous avons à l’esprit, la cérémonie d’hommage au « martyr MAGA » Charlie Kirk et les discours qui y ont été prononcés constituent un motif déclencheur. Ces propos entrent en résonance avec les affinités idéologiques et politiques liant Trump à Poutine. Notre continent, avec l’Ukraine, risque d’en faire les frais. Pourquoi cette « haine de l’Europe » ? Les États-Unis rejoindraient-ils le Sud global ?

« Nous devons assurer le retour de la religion en Amérique, car sans frontières, sans la loi et l’ordre et sans la religion, on n’a plus de pays (…) On veut le retour de Dieu »

Donald Trump, discours d’hommage au « martyr » Charlie Kirk
Glendale, Arizona, 21 septembre 2025

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Chenille des Lumières et papillon transhumaniste

Scorpion rouge
(source Wikipédia)

Un ouvrage à la fois enlevé, inquiétant et souvent ironique, retrace l’histoire socio-politique de l’individu européen – des Lumières à la civilisation transhumaniste entrevue. Il s’agit du livre de Julien Gobin, L’individu fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle (2024). Il m’a fait penser au premier article que j’avais publié dans La Revue nouvelle en 1996. C’était une contribution à un dossier sur les sectes – « Les religions en vadrouille » – dans lequel mon texte titrait : « New Age : entre monade mystique et neurone planétaire ». À ma grande surprise, en effet, le titre et le contenu de cet article sont en phase avec la thèse de l’auteur. Le sujet m’intéresse d’autant plus que j’avais proposé un dossier sur le transhumanisme pour la même revue. Les membres de la rédaction ignoraient jusqu’au mot. L’analyse de Gobin peut se comparer à celle d’un scorpion qui se pique lui-même. En effet, le déploiement de la démocratie libérale génère, d’un côté, une individuation des sociétés jusqu’à la « monade » individuelle (terme que Gobin emprunte à Leibniz), et, de l’autre, un développement vertigineux des sciences et des techniques, dont les algorithmes et l’intelligence artificielle constituent « la pointe ». Ils soutiennent l’individu autonome dans l’expression de sa singularité tout en pilotant ses désirs. De la « monade radicalement autonome » au « neurone totalement incorporé », en effet. Voyons cela.

« Mais cet idéal européen de l’homme libre avait son revers : une inquiétude permanente et l’insatisfaction, l’angoisse et l’avidité, qui poussèrent les Européens dans tous les coins du monde… »

Julius Margolin, Voyage au pays des Ze-Ka
(réflexion d’un philosophe déporté au Goulag sur les différences entre Européens et Russes)

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Poutinisme, réactivation fondamentaliste ?

Vladimir Poutine et le Patriarche Kirill
(
source Radio Canada)

Cette analyse trouve son origine immédiate dans un témoignage, venant illustrer des réflexions et constats antérieurs. Une jeune slave orientale, ayant trouvé refuge en Belgique, exprime sa crainte de rester en Europe. Elle a peur que sa fille ne devienne transgenre. Plus fondamentalement, elle pense que les Européens accueillent ses compatriotes pour les épouser, faire des enfants, et dissoudre ainsi l’identité de son pays. Il me semble qu’il ne faut pas ironiser sur ses craintes plus ou moins complotistes, en partie héritées du monde soviétique et de la propagande poutinienne. Je pense qu’elles expriment quelque chose de plus profond : la peur du monde occidental « décadent » générant, pour faire court, « une perte des pères et des repères ». Je l’avais déjà rencontrée il y a de nombreuses années en traversant la Hongrie à vélo. Un soir, dans une petite ville de la Puszta, un étudiant hongrois anglophone me confia que l’intégration européenne allait dissoudre l’identité hongroise. C’était bien avant Orban. Qu’en est-il de la Russie ? Le poutinisme, qui « marche à reculons » (Ackerman, 2022), serait-il aussi une réaction néo-traditionaliste face au caractère dissolvant de la modernité européenne ? En partie, sans doute. Argumentons.

« Pour Vladimir Poutine, qu’il faut prendre au mot sur ce point, il s’agit d’un conflit existentiel, mené contre le système de valeurs qui constitue le cœur du modèle européen »

Éditorial du Monde, 23 février 2024 (nous soulignons)

« Il faut ajouter que ce discours nous semble étranger car la société russe est, à tort ou à raison, considérée comme européenne ou culturellement proche.
Le mélange d’un langage vulgaire, sexualisé, machiste et de références historiques juxtaposant visions historiques ou religieuses très personnelles et promesses de fin du monde purificatrices, correspond mal à nos catégories intellectuelles, ce qui produit l’effet habituel : la négation ou le passage sous silence de ce qui ne fait pas totalement sens. »

Élisabeth Sieca-Kozlowski, Poutine dans le texte, 2024

« La métamorphose de la Russie poutinienne en secte eschatologique couvait depuis longtemps. On se souvient que Poutine avait déclaré en novembre 2018 qu’en cas de guerre nucléaire, « nous, en tant que victimes d’une agression, nous, en tant que martyrs, irons au paradis, et eux [les ennemis de la Russie] mourront tout simplement. Parce qu’ils n’auront même pas le temps de se repentir. » »

Françoise Thom, La grande imposture russe, Desk Russie, 14 avril 2024

« La Russie fut l’un des premiers pays non occidentaux à subir une crise identitaire que d’autres peuples, non occidentaux eux aussi, ont depuis vécue à leur tour ; une crise provoquée par la conviction que, aussi inférieure et odieuse qu’elle ait pu paraître, la civilisation occidentale avait découvert les secrets de la puissance et de la richesse qu’il fallait s’approprier afin de pouvoir rivaliser avec elle à armes égales. »

Richard Pipes,
Histoire de la Russie des tsars (nous soulignons)

 « Je le dis aux démons, vous n’intimiderez personne.
Dieu existe. Nous vaincrons
. »

Zakhar Prilepine, écrivain russe chantre de l’attaque contre l’Ukraine

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Voyage au Wokistan

Publicité pour un nouveau jeu de la marque Lego
(Source
The Guardian)

En quelques années, des phénomènes en provenance des campus américains et agrégés sous le nom de wokisme ont envahi, tel un tsunami, certains champs universitaires et culturels européens sans oublier les entreprises commerciales. L’humanité opprimée par l’homme blanc, l’État, le capitalisme ou le corps sexué semble s’y « réveiller », comme lors des réveils religieux américains du XIXe siècle, les fameux Religious Awakenings. Car le mot woke, bien avant le mouvement afro-américain où il fut mobilisé, résonne également avec ces réveils-là. Il faut être « born-again », « éveillé », « guerrier de la justice sociale » face à toutes les discriminations et dominations de genre, de race, d’orientation sexuelle, de corps… Non seulement éveillé pour soi, mais aussi pour les autres, et bien entendu en lutte contre ceux qui sont du côté des dominants, des oppresseurs : les mâles blancs cisgenres, le capitalisme racial et l’hétéropatriarcat, le déterminisme corporel, sans compter les divers « phobes » dont le nombre et l’objet grandit presque chaque jour : islamophobes, afrophobes, transphobes, homophobes, grossophobes…  Une fois ce mal purgé, ces phobies liquidées, ces identités de genre fluidifiées, un monde reconstruit verra peut-être le jour. Il aura rejoint sa nature pristine, opprimée et déformée par le pouvoir. Voyons cette mouvance contradictoire, réunie sous un nom « emprunté », combinant primat individuel de la conscience sur le corps et appartenance collective déterminée par ce même corps.

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Freud sur le divan de la globalisation

Psychoanalitic_Congress

Congrès international de psychanalyse de 1911 (Wikimedia Commons)

Quoi qu’il en soit, la psychanalyse que j’ai vue, au cours de ma longue existence, se répandre dans tous les pays, n’a nulle part trouvé de « foyer » plus propice pour elle que la ville où elle est née et où elle a grandi

Sigmund Freud, Moïse et le Monothéisme (1938)

Le meilleur de ce que tu sais, tu ne peux pas le dire aux enfants

Goethe, Faust
Cité par Freud dans Die Traumdeutung

Les obstacles à la diffusion de la psychanalyse dans d’autres aires culturelles que la nôtre nous en apprennent peut-être autant sur la contingence historique de l’invention freudienne que sur la place de l’individu et de ses troubles dans des sociétés non-occidentales. Dans une première approche, c’est la globalisation comme processus d’individualisation et d’autonomisation qui semble révéler certains de ses dessous au travers du prisme de la psychanalyse. Mais à y regarder de plus près, c’est le freudisme lui-même qui se trouve sur le divan de la globalisation comme sécularisation du divin.

Complément du 1er septembre 2023. « Psychanalyse du reste du monde », sous la direction de Livio Boni et Sophie Mendelsohn : les ailleurs du freudisme. Un ouvrage collectif tente une histoire « alternative » de la discipline freudienne. Sans convaincre. Elisabeth Roudinesco, Le Monde, 27 août 2023. Extrait : « Spécialistes de la « domination racialisée » les psychanalystes Livio Boni et Sophie Mendelsohn ont réuni, dans Psychanalyse du reste du monde, trente-cinq auteurs de plusieurs pays afin de promouvoir une histoire « alternative » de cette discipline, fondée sur l’idée qu’il existerait un « mode majeur » de son implantation – celui des pays « occidentaux » – et un mode « mineur », propre aux territoires où elle ne subsisterait qu’à l’état sporadique : la Chine, le monde arabo-islamique, l’Afrique ou l’Inde. »

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Moderne sans être occidental


Monument à la gloire des étudiants partis découvrir l’Occident au XIXe siècle
(Kagoshima, photographie de l’auteur)

Le « réveil » impérial de la Chine éclipse-t-il le rôle pionnier du Japon ? On parle certes toujours de l’archipel nippon contemporain, de ses robots, son Pokémon, ses poupées érotiques, ses mangas et ses centrales nucléaires. Et tout autant, bien entendu, du « Japon éternel » : ses cerisiers, sa cérémonie du thé, son théâtre Kabuki, ses estampes, ses temples et ses samouraïs. Mais le Japon dont on ne parle peut-être plus assez dans le contexte géopolitique actuel, c’est celui de l’ère Meiji (1868- 1912) — mot qui signifie gouvernement éclairé, une expression chinoise inspirée du Livre des mutations, mais dont le sens, par analogie et détournement significatifs, désignait aussi les Lumières. Celles qui viennent d’Occident, avec leurs puissances et leurs ombres, et dont l’Archipel a su tirer parti sans y perdre son « esprit ». Avec des tensions violentes, des embardées instructives et parfois meurtrières, à l’image de celles de son modèle européen ; ce qui ne l’a pas empêché de reprendre son cours démocratique, à la différence de la Chine.

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Le tsar, c’est moi

À l’approche du centième anniversaire de la révolution d’Octobre 1917, cet ouvrage robuste documente et analyse la tradition autocratique russe sous l’angle spéculaire de son « imposture ». Un legs pluriséculaire et une spécificité de la « voie russe » qui, selon l’auteur, déborde amplement la période tsariste. Son sujet concerne une dimension centrale et difficilement compréhensible — pour nous Européens vivant au XXIe siècle — du pouvoir politique moscovite : celui de l’ancien régime, mais aussi celui du pouvoir actuel, malgré les nombreuses évolutions en Russie et en Europe. Dans une déclaration récente, le président russe a ainsi accusé Lénine d’avoir « déposé une bombe atomique sous la maison Russie », cela non pas parce qu’il avait instauré le bolchevisme et initié le goulag, mais bien parce qu’il avait accordé l’autonomie aux sujets de l’URSS, « sur la base d’une égalité totale avec le droit, pour chacun, de quitter l’union[1]. » Il n’aurait donc pas dû « ouvrir la prison des peuples ». Les énoncés « accorder l’autonomie aux sujets », « égalité totale », « quitter l’union » peuvent sans doute revêtir d’autres significations.

Complément du 7 août 2025. Sans doute l’analyse la plus pénétrante sur l’autocratie russe qui m’ait été donnée de lire. Remarquons la référence à Vladislav Sourkov dès l’entame du livre. Il s’agit du « mage du Kremlin ». Mais il vaut mieux lire Claudio Ingerflom que Giuliano da Empoli. L’auteur avait apprécié ma recension (voir son message plus bas). L’actualité m’incite à replacer cet article en haut de mon site. Je persiste à penser que, si l’on ne tient pas compte de cette matrice autocratique (comme le fait aussi l’historien Richard Pipes), l’on ne comprend rien à la Russie. C’est d’ailleurs le sens que j’avais donné au titre « Russie : Le retour du même ? », un dossier de La Revue nouvelle consacré au retour de Poutine en 2012. Il ne s’agissait en effet pas que de lui… Enfin, un autre livre porte un titre similaire au niveau de la temporalité : La Russie face à l’Europe d’Ivan le Terrible à Vladimir Poutine de Marie-Pierre Rey (2002, mis à jour en 2022 après l’invasion de l’Ukraine). L’autocratie est donc bien moscovite, comme Pipes l’analyse longuement. Je n’ai pas encore lui le livre de M.-P. Rey, mais je note que le nom de Richard Pipes et son livre Histoire de la Russie des tsars ne figure pas dans la bibliographie mise à jour en 2022 (le livre de Pipes date de 1974). Celui d’Ingerflom s’y trouve. Le traducteur de Pipes s’explique sur le rejet de ce dernier en France (mais aussi en Russie, notamment par Soljénitsyne). Enfin, le portrait d’Ivan le Terrible dressé par Ingerflom fait penser à Trump (ex-mari d’Ivana et père d’Ivanka...). Les affinités de longue date entre Trump et Poutine, successeur d’Ivan IV, sont connues. Sans parler de la « poutinisation » des USA (réécriture de l’histoire, verticale du pouvoir, « croisade » anti LGBT, lutte contre les médias, etc.)

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Mondialisation, virus et anticorps

Les Ambassadeurs (Holbein)

Les Ambassadeurs de Hans Holbein (source Wikipedia)

« La religion a organisé la vie des sociétés et l’originalité moderne est d’échapper à cette organisation. Or, la sortie de cette organisation religieuse du monde se diffuse planétairement. D’une certaine manière, on pourrait dire que c’est le sens dernier de la mondialisation. La mondialisation est une occidentalisation culturelle du globe sous l’aspect scientifique, technique et économique, mais ces aspects sont en fait des produits de la sortie occidentale de la religion. De sorte que leur diffusion impose à l’ensemble des sociétés une rupture avec l’organisation religieuse du monde. »

Marcel Gauchet, Le Monde, 21 novembre 2015

Le tableau est célèbre, ce sont Les Ambassadeurs de Hans Holbein, une œuvre datée de 1533 et réalisée à l’occasion de la prise de fonction d’un ambassadeur du royaume de France à la cour d’Angleterre. Il s’agit d’une célébration de l’humanisme de la Renaissance, illustrée par les nombreux objets et symboles figurant en arrière-plan du double portrait. Ces objets ont notamment trait à la science, au commerce et à la géographie, contemporains des « Grandes découvertes » qui viennent de se produire. Le Nouveau Monde porte depuis peu le nom d’America, Magellan vient de faire le tour du globe et le globe terrestre en arrière-plan du tableau est inspiré de celui de Johann Schöner, produit à Nuremberg en 1523. La puissance naissante de l’Europe, au seuil de la modernité, s’incarne dans cette géopolitique de la conquête qui est en plein essor à l’aube de la mondialisation coloniale.

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Le culturalisme dans tous ses états

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Source Wikimedia Commons

Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, pas dans les circonstances qu’ils ont choisies mais dans celles qu’ils ont directement trouvées, qui leurs furent données et transmises. La tradition de toutes les générations mortes pèse comme un cauchemar sur les cerveaux des vivants .

Karl Marx, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte

Un dossier de la revue Le Débat daté mai-août 2015, intitulé « Cultures : un enjeu contemporain », invite à revenir sur la dimension et la dynamique culturelle, y compris religieuse ou post-religieuse, comme matrices structurant l’agir humain, et donc le comportement des sociétés et des individus. Cette thématique acquiert une nouvelle portée aujourd’hui, dans le cadre de la globalisation accrue, des brassages de populations, de l’accélération de la mobilité des personnes, des biens et des messages ; et, par conséquent, des effets en sens divers qui en résultent à l’ère postcoloniale occidentale. Mais elle est aussi sensible et polémique, la référence à des facteurs de type culturel dans l’analyse de phénomènes sociaux étant souvent qualifiée de « culturaliste », une imputation qui se transforme rapidement en soupçon de racisme, avec les charges afférentes.

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La démocratie ne promet pas le Paradis

Situation du paradis terrestre
Localisation médiévale du Paradis terrestre sur le territoire actuel de Daech
(source Wikipedia

« Une autre direction de l’humanité s’impose ! La direction de l’humanité par l’Occident touche à sa fin, non parce que la civilisation occidentale a fait faillite sur le plan matériel […] mais parce que le monde occidental a rempli son rôle et épuisé son fonds de valeur qui lui permettait d’assurer la direction de l’humanité […] L’islam seul est pourvu de ces valeurs et de cette ligne de conduite »

Sayyid Qutb, Jalons sur la route de l’islam (1964)
Qutb est un des idéologues majeurs des Frères musulmans

Le débat sur la « radicalisation » et l’actualité à flux continu, qui nous occupera sans doute un certain temps, nous incite à republier un article par ailleurs congruent avec le cadre de ce blog. Publié une première fois en novembre 2001 par la revue belge Imagine, dans une version légèrement plus courte, ce texte retrace succinctement les fondements et la généalogie de l’islamisme, en lien avec d’autres mouvements radicaux opposés à la modernité démocratique. Nous le diffusons ici dans sa version plus complète, avec quelques ajustements. Même si le salafo-baasisme de Daech, notamment, semble supplanter Al-Qaïda, les causes structurelles de l’islamisme et de sa réception dans le monde musulman nous paraissent relever de la même dynamique « géo-religieuse ». Cette dernière n’est sans doute pas la seule à l’œuvre, mais nous serions bien aveugles de pas tenir compte de ses motivations croyantes en nous limitant aux seuls facteurs économiques ou sociopolitiques. La référence au « Paradis » fait bien entendu écho à celui qui avait été garanti aux pirates de l’air par Ben Laden, mais également aux promesses des « religions séculières » du XXe siècle — bien que seulement sur terre dans leur cas. Précisons que l’arabisant Yahya Michot, que nous évoquons ici, spécialiste et traducteur du théologien sunnite hanbalite Ibn Taymiyya, après avoir été exclu de Louvain-la-Neuve et d’Oxford, vit et enseigne aujourd’hui aux États-Unis, sur cette terre tant exécrée par le Frère musulman Sayyid Qutb.

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