Zadig ou l’arme de comparaison massive

1980-85 MORLAIX

Michel Rocard (Source Wikipedia)

Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […]

Michel Rocard, émission Sept sur sept sur TF1, 3 décembre 1989

Vingt-neuf ans, presque jour pour jour, après le célèbre propos rocardien cité en épigraphe, le samedi 1er décembre 2018 à Bruxelles, un groupe dénommé Zadig en Belgique tenait un Forum européen intitulé « Les discours qui tuent ». Cet événement, qui se déroulait dans un auditoire de l’Université Saint Louis, était organisé en collaboration avec le Réseau Interdisciplinarité-Société (Ris) de l’Université, avec le soutien de l’École de la Cause freudienne (ECF) et de la New Lacanian School (NLS), sous les auspices de l’EuroFédération de psychanalyse (EFP). Une coproduction, donc, entre l’Université catholique bruxelloise et quatre groupements psychanalytiques. Malgré leur diversité apparente, ces dernières organisations – Zadig inclus – sont toutes l’émanation de la seule École de la Cause freudienne[1], fondée après la mort de Jacques Lacan par son gendre, Jacques-Alain Miller (frère de Gérard Miller, ce dernier proche de Jean-Luc Mélenchon et co-fondateur du site d’actualité en ligne Le Media).

« Zéro abjection »

Si Zadig évoque le conte philosophique de Voltaire, Zadig ou la destinée. Histoire orientale (1747), il s’agit en réalité d’un « mouvement lacanien mondial » dénommé Movida Zadig et fondé en mai 2017. Le mot Zadig est l’anagramme assez peu voltairien de « Zero Abjection Democratic International Group ». Serait-ce un groupe de psychanalystes qui militerait pour une démocratie « zéro abjection » ? A moins qu’il ne s’agisse d’une allusion au Zaddik (« Saint Homme », intermédiaire entre Dieu et le peuple juif des communautés hassidiques – figure de la Kabbale qui influenca Freud et Lacan selon David Bakan, Charles Mopsik ou Gérard Haddad). Toujours est-il que ce mouvement international affiche pour objectif, selon les mots de son directeur Jacques-Alain Miller, de « prendre notre place [de psychanalystes] dans le débat citoyen mondial : nous avons beaucoup à dire, et sur les discours politiques, et sur les personnes politiques. » Les analystes concernés ne manquent donc pas d’ambition, leurs organisations européenne et internationale visant à influer sur le « débat citoyen mondial ». Il n’est peut-être pas indifférent que le terme mondial ait été préféré à international[2].

On notera, qu’à cette vaste échelle, les discours politiques et les  personnes politiques ne sont pas loin de représenter l’humanité toute entière, l’homme étant qualifié d’animal politique depuis Aristote. Et comme l’objectif du mouvement serait d’œuvrer à une démocratie zéro abjection, il y aura certainement du travail pour « désabjectiser » l’espèce humaine – bien que la chose à mettre à zéro ne soit pas clairement définie dans le programme. Reste à savoir s’il existe quelque chose comme « un débat citoyen mondial ». Si, par exemple, les paysans malgaches, les moines tibétains, les hommes d’affaires chinois, les gilets jaunes français, les forestiers suédois et les bergers des Andes débattent entre eux dans une agora planétaire. A moins qu’il ne s’agisse que de « l’humanité éclairée », les autres n’ayant pas vocation à débattre et se trouvant de facto en congé démocratique. Cette expression de débat citoyen mondial semble plutôt un fantasme d’intellectuel occidental, voire parisien, tout comme le philosophe babylonien Zadig était un pur produit franco-voltairien.

Mais venons-en au Forum européen, qui pourra peut-être nous donner une idée des objectifs et du discours de notre mystérieux Zadig. Car c’est bien de discours qu’il s’agit, et en particulier de ceux qui tuent. L’affiche du Forum en noir et blanc représente des hommes au teint sombre perchés sur des arbres, face à deux rangées grillagées de pylônes en forme de Y, précédés et surmontés de fil de fer barbelé. L’image évoque sans conteste des migrants africains aux portes de la Forteresse Europe – avec cette particularité que les éléments de nature (les arbres) et de conscience (les humains) sont du côté des migrants, et que le monde qui leur fait face est composé d’artefacts (le béton, les grillages…). On peut aussi y voir une référence aux camps de concentration, sauf que les prisonniers sont enfermés à l’extérieur du camp et paraissent vouloir y entrer.

Éternel retour des années trente

Et – de fait – la référence aux camps (nazis) est présente dès la première phrase de l’affiche[3] : « Tout le monde, si une telle expression est soutenable, voudrait sans doute que les camps de concentration nazis ne soient qu’une horreur sans lendemain. » Une phrase qui contient en germe le développement qui va suivre, le « tout le monde » étant frappé par la réserve « si une telle expression est soutenable », qui en réduit prudemment l’ampleur. Ce que vient confirmer le « voudrait sans doute » et le « ne soient qu’une horreur sans lendemain ». En d’autres mots, l’horreur des camps a peut-être un lendemain et tout le monde ne voudrait peut-être pas qu’il n’en soit pas ainsi. Certains, en position d’extériorité à ce « tout le monde » trop inclusif, œuvrent peut-être pour un retour des camps, ce qu’illustre de manière allusive l’affiche et le titre du Forum. Pas de discours qui tuent sans locuteurs criminels.

Il n’en faut pas plus pour faire entrer un personnage sur la scène, un homme qui a entrevu ce qui va arriver et qui est évidemment la source d’inspiration des psychanalystes organisateurs : « Le Dr Lacan était pour sa part sans illusion et considérait au contraire que leur émergence, qui a fait rupture dans l’Histoire, représente la réaction de précurseurs par rapport aux remaniements sociaux engendrés par la mondialisation et provoqués par la science. » Une réponse d’autorité (on ne discutera pas ici du lien de causalité entre science et nazisme) est donc apportée à l’hésitation de la phrase introductive. Les camps nazis étaient la réaction de précurseurs face aux effets sociaux de la mondialisation et de la science ; comme la mondialisation et la science ont poursuivi leur œuvre, les camps de type nazi devraient revenir. Y serions-nous ?

C’est ce qu’affirme le paragraphe suivant, s’appuyant sur une citation du même Dr Lacan en ouverture : « Notre avenir de marchés communs, écrivait-il, trouvera sa balance d’une expression de plus en plus dure des procès de ségrégation. Aujourd’hui, en Europe, nous y sommes. L’effacement des frontières géographiques et culturelles a comme pendant une escalade des énoncés promus par les ennemis du genre humain[4] dans les années 30 du siècle dernier. » Le propos redouble les énoncés précédents en affirmant que la mondialisation et la science effacent les frontières géographiques et culturelles et que cet effacement engendre une escalade des énoncés promus par les ennemis du genre humain dans les années trente.

Nous voici donc dans le « retour des années trente », les mêmes causes produisant les mêmes effets. Mais remarquons ce complément à la prophétie lacanienne qui ne parlait, elle, que de « marchés communs » (la citation date de 1967, dix ans exactement après le Traité de Rome) : l’effacement des frontières géographiques et culturelles. Le propos comporte une affirmation singulière : la mondialisation et la science, œuvres humaines par excellence, produisent des ennemis mortels des mêmes humains. Et ce processus plus que séculaire n’engendrerait des « ennemis du genre humain » qu’à partir des années 1930. On ne comprend pas bien la nature de la « rupture dans l’histoire », qui a attendu aussi longtemps pour se manifester, ni celle de cet ennemi soudainement surgi.

Extension du domaine du nazisme

Mais poursuivons. Le texte affirme dans la foulée que « les énoncés produits par les ennemis du genre humain (…) se sont propagés, tout en se banalisant, dans les discours ambiants qui fondent le lien social. La conséquence en est un rejet radical de l’étranger par des actions violentes et criminelles devenues quotidiennes. » En d’autres mots, ce qui était localisé et précurseur dans les années trente s’est aujourd’hui propagé et banalisé dans le « discours ambiant », une entité qui, selon les auteurs, « fonde le lien social ». C’est toute la société qui serait aujourd’hui imprégnée par un discours de type nazi (on ne parle pas ici des énoncés et des actes bolcheviques meurtriers[5]), ce qui débouche sur des actes violents et criminels quotidiens contre des étrangers rejetés radicalement. C’est ce que l’on appelle une « arme de comparaison massive ». Ce n’est bien entendu pas du terrorisme ou de l’antisémitisme islamiste qu’il s’agit, pas plus que du racisme anti-migrant au Maghreb[6]. C’est l’Europe « blanche » qui serait pénétrée par un discours ambiant néo-nazi, xénophobe et criminel. Et c’est dans cet espace mortifère que les migrants de l’affiche tentent de pénétrer.

On aurait tort de penser que les organisateurs du forum visent particulièrement les discours de partis d’extrême droite, infiltrant des groupuscules et autres skinheads, qui agressent les étrangers et boutent le feu à des camps de réfugiés. Ou, a fortiori, un homme comme Anders Behring Breivik qui, lors du massacre de l’île d’Utøya, n’a tué « que » des jeunes Norvégiens. Bien au contraire, il s’agit de discours qui tuent, mais dont « le caractère est insidieux car ils n’ont rien de véhément ». Ces discours qui n’appellent pas « à la mise à mort » ont « une langue lisse et politiquement correcte ». Ils en appellent simplement à  « des nécessités incontestables écrites dans les astres ». On ne voit pas très bien ce que « les astres » viennent faire là-dedans – sinon annoncer quelque désastre par assonance subliminale. Bien plus, ces « discours qui tuent » n’affirment pas « qu’il faut fermer les frontières et laisser les migrants se noyer dans la mer ». Ils affirment que « l’on ne peut pas accueillir tout le monde, n’est-ce pas ? ». Hors ce « n’est-ce pas ? » qui leste l’affirmation d’une complicité balourde et malsaine, le propos visé est semblable à celui de Michel Rocard cité en épigraphe. Les « discours qui tuent » sont donc ceux des autorités qui veulent contrôler l’immigration tout en respectant les conventions internationales, notamment celle de Genève sur le droit d’asile.

Ces autorités sont légalistes, respectant le droit d’un Etat à contrôler l’accès à son territoire et le devoir d’honorer les conventions internationales. Mais c’est là que le bât blesse, selon Zadig : « L’action criminelle de non-assistance à des personnes en danger est camouflée derrière une éthique légaliste : « je ne fais qu’appliquer la loi » ». En d’autres mots, les « discours qui tuent » sont, par exemple, ceux d’un Michel Rocard, d’un Louis Tobback ou d’un Hubert Védrine, réduits ad Hitlerum en quelques phrases. Le désaccord politique est transformé en scandale moral. La suite du texte le confirme : « Pire. Ces discours ne sont pas haineux. Ils sont froids et rationnels, opérant au nom du bien-être des nations. Les agents de ces discours qui tuent se présentent comme des grands serviteurs de l’Etat ». Discours sans doute inspirés par la science, « froide et rationnelle ».

Nous voilà instruits. Leur crime est de « non assistance à personne en danger », ce qui signifie qu’ils devraient, peut-être, ouvrir largement les frontières. Non pas aux seuls demandeurs d’asile, mais aux migrants dans leur ensemble. Peu importe l’opinion des électeurs qu’ils représentent, l’impact économique, culturel et politique de telles mesures dans le pays d’accueil ou le pays d’origine (vidé d’une partie de ses forces vives, notamment politiques, comme l’ont souligné Ivan Krastev pour l’Europe de l’Est et Stephen Smith pour l’Afrique). Faudrait-il comprendre que la démocratie « zéro abjection » est une démocratie dans laquelle l’opinion de la majorité des citoyens est considérée comme abjecte ? Qu’il s’agit d’une démocratie aux mains de la seule « opinion éclairée » ?

La fin du texte enfonce le clou sans mégoter sur les qualificatifs. On peut y lire que les « grands serviteurs de l’Etat » susmentionnés produisent des discours qui « mettent les pulsions les plus meurtrières au service d’un soi-disant bien commun » et aident le passage à l’acte de « fantasmes assassins ». Bien plus, les hommes politiques se rendent responsables d’un « appel à ce mal qui est en chacun de nous ». En voulant réguler les flux migratoires, ils « bafouent la dimension éthique » (de conviction, de responsabilité ?). Les Européens sont en quelque sorte pensés comme des bergers de l’humanité qui devraient assister toutes les personnes en danger, sans que la nature de ce dernier soit précisée (persécution, patriarcat, pauvreté, maladie, homophobie, mariage forcé, non-liberté religieuse, stagnation politique, enfermement social ?). Bref, les grands serviteurs de l’Etat « banalisent le pire » par leurs discours à « portée diabolique » et en sont dès lors complices. Ils ne peuvent « pas compter parmi les éléments légitimes de la démocratie ». Selon les initiateurs du forum, la démocratie « zéro abjection » serait dès lors amputée d’une bonne partie de sa liberté d’expression ­et Michel Rocard serait illégitime.

Manichéisme et lutte des discours

Au-delà de ces procédés rhétoriques d’une manichéenne réductio ad Hitlerum et du caractère peu opérationnel et démocratique de ces affirmations, une sorte de contradiction fondamentale ressort de ce texte. Elle est tellement visible que l’on se demande si les auteurs n’ont pas été victimes du syndrome de la Lettre volée, bien décrit par Edgar Poe dans son récit éponyme. Les auteurs nous disent en effet, sur base d’une affirmation du psychanalyste Jacques Lacan datant de 1967, que l’effacement des frontières géographiques et culturelles (conséquence de la mondialisation et de la science), « a comme pendant une escalade des énoncés promus par les ennemis du genre humain ». En d’autres termes, que ce sont « l’effacement » des frontières et l’expansion de la science qui engendre des réactions qualifiées par eux de nazies ou apparentées.

On laissera à l’argumentaire du Forum cette analyse des causes du nazisme, qui paraît très questionnable[7], ainsi que l’affirmation d’une « escalade des énoncés promus par les ennemis du genre humain ». C’est une manière paresseuse, voire pavlovienne et « godwinienne », d’éviter de penser la singularité et les défis du temps présent que de se rabattre sur une répétition mécanique du passé. On s’accordera cependant sur cette explication des populismes, par ailleurs très largement partagée, établie sur base de nombreuses recherches[8] qui ne doivent rien à la psychanalyse : la montée des populismes et de l’extrême droite n’est pas sans relation causale avec une mondialisation non maîtrisée (elle-même favorisée par la techno-science). Ceci autant sur son versant économique et financier que sur son versant migratoire.

La sociologie électorale dans différents pays indique, en effet, que ce sont les « populations périphériques » perdantes de cette mondialisation qui forment le gros des troupes des partis populistes ou extrêmes. De nombreux auteurs, sociologues, historiens, géographes ou politistes, qui ont étudié le phénomène sur la durée (que ce soit en Europe ou aux USA) s’accordent sur ce fait. Comme le résume l’historienne Maya Kandel dans le dernier numéro de la revue Le Débat[9] : « On peut définir le populisme comme une réaction aux crises de la représentation politique provoquées par les dislocations issues de la mondialisation (…), réaction qui oppose les gagnants de cette mondialisation (« l’élite ») aux perdants assimilés au « peuple » ». On notera en passant que le mouvement dit des « gilets jaunes » en France, largement porté par cette population invisible et périphérique de la petite classe moyenne « blanche », est un phénomène spontané, refusant toute récupération par des partis ou personnes politiques. Nous sommes donc bien loin des partis ou des leaders charismatiques « manipulant le peuple ».

Cette dislocation issue de la mondialisation associe, à des degrés variables selon les pays, la dimension économique (délocalisation industrielle, mise en concurrence sur le marché mondial, perte de contrôle de l’économie, disparition des petits commerces et services publics locaux…) et la dimension migratoire, effectivement vécue ou anticipée. Cette dernière est davantage perçue comme une concurrence et une menace identitaire par les classes populaires que par les élites urbaines (qui pratiquent souvent la ségrégation résidentielle et scolaire). Par conséquent, c’est notamment une certaine forme de démondialisation – par ailleurs en phase avec la lutte pour relever les défis environnementaux (climat, biodiversité, déchets…) – qui pourrait être la meilleure réponse au sentiment et à la réalité de déclassement et de perte de contrôle vécus par les classes populaires et moyennes. Et nullement une ouverture tout azimut des frontières économiques et migratoires, qui ne ferait qu’accentuer la crise dans laquelle nous nous trouvons en Europe. Sur ce point, il est étrange de voir dans quelle contradiction s’enferrent les auteurs de ce texte, quelque peu grandiloquent et simpliste, en imputant la montée des discours qui tuent à l’effacement des frontières géographiques et culturelles – tout en proposant de les ouvrir davantage pour y remédier…

On peut aussi se demander si cette annonce d’un « retour du nazisme » n’est pas une manière de valider la prophétie lacanienne en confirmant l’intuition de son auteur, sur base d’une reductio ad Hitlerum à large spectre, et de ne pas désespérer la Cause freudienne. Cela en se rangeant de manière manichéenne « du bon côté de la barricade historique » après avoir rabattu les années présentes sur les années 1930[10], tout en ne proposant rien de concret face à ce qui est dénoncé. En effet, à moins de supprimer la science et de mettre un terme à la mondialisation, on ne voit pas très bien ce qui pourrait faire pièce aux causes des « discours qui tuent », telles que définies par les auteurs. Sinon, comme ils l’écrivent de manière quelque peu ingénue en chute de leur argument, en produisant « un discours qui résiste et combat les discours qui tuent ». Comme si la problématique géopolitique (économique, financière et migratoire) à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, n’était qu’une lutte des discours entre des élites éclairées et des fascistes abjects, rejouant les années trente en crescendo.

Bernard De Backer, janvier 2019

Post-scriptum. Le texte commenté et les autres qui lui sont associés évoquent ce que Robert Castel appelait « le psychanalysme ». Comme l’écrivait Annick Ohayon dans un hommage au sociologue : « (le psychanalysme) consiste en une méconnaissance du champ sociopolitique qui n’est pas un simple oubli, mais un processus d’invalidation. La psychanalyse n’est donc pas révolutionnaire ou subversive par essence, comme elle se plaît à apparaître dans cette période post-soixante-huitarde. C’est son inconscient social occulté que Castel veut mettre à jour : son rapport au pouvoir, à l’argent. Plus tard, il reconnaîtra que ce qu’il visait alors, ce n’était pas la psychanalyse elle-même, dont il respectait la force théorique et clinique, mais le mouvement lacanien, alors à l’apogée de sa domination sur les sciences humaines. Dire que le livre fut mal accueilli par ceux qu’il visait est un euphémisme. Silence glacial. Seule Maud Mannoni, qui s’intéressait depuis longtemps à l’antipsychiatrie, lui proposa un débat à l’École freudienne. Au jour dit, elle lui annonça, très embêtée, que le débat était annulé, car Lacan ne voulait pas qu’il entre dans cette maison. Lacan avait donc bien perçu quelle était la cible du pamphlet. » Annick Ohayon dans « Hommage à Robert Castel », Dans Bulletin de psychologie, 2013/2.

Complément de décembre 2019. Sur les causes des populismes (de droite ou de gauche), principalement la globalisation économique, les réseaux sociaux et la problématique migratoire, on ne peut que recommander le livre de Yascha Mounk, Le peuple contre la démocratie. La traduction française est disponible en livre de poche. Un livre accessible et brillant, très richement documenté et engagé.

Sources

Notes

[1] Il s’agit dès lors d’une école psychanalytique parmi beaucoup d’autres, et non pas des psychanalystes en général, comme le laisse entendre le titre trompeur d’une interview de Gil Caroz (présenté comme « Président de l’École de la Cause freudienne ainsi que membre de la New Lacanian School et de l’Association mondiale de psychanalyse ») dans la revue belge Politique : « Quand les psychanalystes se politisent ». Le lecteur peu informé pensera que la personne rencontrée représente la population mondiale des psychanalystes.

[2] Une vieille rivalité oppose les psychanalystes freudiens de l’Association internationale de psychanalyse (IPA) aux lacaniens. Ceux de la tendance millerienne ont fondé un Association mondiale de psychanalyse (AMP), rivale de la première. De multiples structures gravitent autour de l’ECF : AMP, AFP, NLS, PIPOL, Champ freudien, FIPA, RI3…

[3] Les citations qui suivent sont toutes extraites de l’argument du Forum que l’on peut consulter à cette adresse : https://www.causefreudienne.net/event/les-discours-qui-tuent-forum-europeen/. N’ayant pas été présent, nous nous basons sur ce seul texte. Il est signé par Gil Caroz, Président de l’École de la Cause freudienne (par ailleurs interviewé par la revue Politique dans l’article cité plus haut).

[4] Selon le psychanalyste Philippe Hellebois, « « Les ennemis du genre humain », c’est en ces termes que Lacan qualifiait en 1946, dans ses « Propos sur la causalité psychique », les fascistes, les nazis, et les collaborateurs. »

[5] Il est peut-être utile de signaler ici que les premiers camps de concentration soviétiques, parfois d’extermination, ont été créés sous le règne de Lénine (les Konzlager, officialisés par décret du 5 septembre 1918). Il s’agit notamment des sinistres camps de Kholmogory et Pertominsk. Plus de dix mille déportés (dont des marins de Kronstad et des paysans de Tambov) furent tués par noyade ou par balle dans les Konzlager de Kholmogory et Pertominsk. Pour des témoignages de rescapés, voir Les camps de la mort en URSS : la grande fosse commune des victimes de la terreur communiste de Nikolaï Kisselev-Gromov (première édition à Shanghai en 1936), republié dans Aux origines du Goulag – Récits des îles Solovki, François Bourin Editeur, 2011, préface de Nicolas Werth. Alain Besançon n’écrit rien d’autre dans Le malheur du siècle (1997, p. 29) : « La déportation en camp de travail a été inventée et systématisée par le régime soviétique. Le nazisme n’a fait que l’imiter. Le mot Lager est commun au russe et à l’allemand. Les premiers camps qui ont été créés en Russie le furent en juin 1918, six mois environ après la prise de pouvoir par Lénine et son parti. » Sur l’histoire des camps de concentration, voir Joël Kotek et Pierre Rigoulot, Le Siècle des camps, JC Lattès, 2000. Le terme est d’origine cubaine, à la fin du XIXe siècle, et les premières camps furent construits, outre Cuba, en Afrique du Sud et en Namibie au début du XXe siècle.

[6] La situation des migrants africains est terrifiante au Maghreb, comme le décrit une série de reportages du Monde, « Migrants : terminus Niger », dont le premier est titré « Refoulés d’Algérie : une « chasse à l’homme noir » » (9/1/2019). On y apprend notamment que l’Office International des Migrations (OIM) est un des seuls à porter secours aux Africains refoulés d’Algérie, et qu’il est en partie financé par l’UE.

[7] Sur ce sujet, mieux vaut se fonder sur les travaux d’historiens, dont ceux de Ian Kershaw, Johann Chapoutot ou Marcel Gauchet, qui ne défendent pas cette thèse.

[8] Voir notamment le paragraphe « Se protéger des vents du monde » dans « Populisme, la parti pour le tout ? » sur ce blog (ainsi que la bibliographie en fin du texte).

[9] « Une politique étrangère populiste ? », Le Débat n° 202, novembre-décembre 2018.

[10] Dans ce contexte analogique, les migrants sont dès lors identifiés implicitement aux réfugiés juifs fuyant le nazisme.

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