
Vue proche de Kala Patthar, éminence au-dessus du camp de base de l’Everest
(photographie de l’auteur, 1988)
On s’éloigne à pas du loup du réel ; on croit l’avoir occis pour de bon,
et il descend sur vous comme une tonne de briques.
Nicolas Bouvier, L’usage du monde
Si l’individu a bien horreur d’une chose, c’est du réel.
Julien Gobin, L’individu, fin de parcours ?
Juin 1988 à Katmandou ; la mousson assombrit le ciel. Mon travail pour une ONG, dans ce qui était encore un royaume himalayen, touche à sa fin. Après avoir rencontré des réfugiés tibétains dans des centres d’artisanat que ma mission impliquait de visiter, j’avais marché en solo vers le pays Sherpa et le Toit du monde. Le moment était venu de partir vers l’Inde et, plutôt que de prendre l’avion, je décide d’y aller en bus. Une manière de vivre une autre réalité du pays, de prendre le temps de la route et des rencontres. Mais les bus vers New Delhi roulent la nuit, traversent les savanes et les jungles du Teraï, une plaine népalaise jouxtant l’Inde. Je ne verrai les paysages qu’à la nuit tombante et, à la frontière indienne, au lever du jour. L’obscurité est tombée autour du bus surchargé, longeant un précipice sur la route boueuse qui mène à Pokhara. Après un départ paisible, le chauffeur est importuné par un passager aux yeux rougis, visiblement sous l’emprise du chanvre ou de l’alcool ; il s’en prend aussi aux nombreuses femmes, dans l’indifférence générale. L’atmosphère devient de plus en plus tendue, un accident se prépare, dont je serai acteur et victime.
Complément du 29 juillet 2025. « Everest Business« , une série du journal Le Monde consacrée au « surtourisme » sur le Toit du monde. Ignoble et écoeurant usage du Toit. Quel bonheur d’être passé en 1988 ! (et d’avoir rencontré Edmund Hillary par hasard au monastère de Tengboche).
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