La Pologne à l’Horizon

Coucher de soleil sur l’Elbe près de Wittenberg
(photographie de l’auteur)

« La bicyclette fait de vous un heureux ;
quelqu’un de libre en tout cas, de nouvellement libre et c’est insondable et exquis ce sentiment. »

Charles-Albert Cingria

« Le vélo est un jeu d’enfant qui dure longtemps »

Eric Fottorino

En juin 2015, je me suis aventuré dans un long périple me conduisant de Bruxelles à Słubice, sur la rive orientale de l’Oder – fleuve marquant, avec la Neisse, la frontière actuelle entre l’Allemagne et la Pologne. Bien que muni d’un équipement de cyclo-campeur et d’une condition physique assortie, ce ne fut pas « un voyage sportif ». Le but était de rejoindre ma cycliste à la frontière polonaise, puis de poursuivre notre route vers le nord des pays Baltes, au voisinage de Saint-Pétersbourg. Dans cette étape initiale, il s’agissait de mieux connaître l’Allemagne réunifiée, tout au long de l’axe ouest-est, parcourue jadis jusqu’au Danemark sur l’axe vertical. Une traversée par la voie lente, exposée au soleil et aux pluies, à la fraîcheur et à la canicule, riche en paysages, villes, villages, rencontres de hasard et de nécessité, de fortune et d’infortune. Une leçon de géographie et d’histoire. Jusqu’au jour où, entre les arbres d’une forêt, je verrai la terre polonaise par-delà le fleuve.

Vers la page d’accueil

Je n’ai pas pour habitude régulière de prendre des notes en voyage, me fiant – parfois de manière trop optimiste – à ma mémoire. Mais cette fois, face à l’ampleur de l’escapade et à la durée du parcours, j’avais décidé d’en prendre tous les jours, puis de les réorganiser à mon retour. Il y eut également des images, que j’ai par contre toujours captées par plaisir du visuel, des formes, couleurs, lumières, atmosphères, détails significatifs ou cocasses. Ces deux points d’appui sont cette fois présents. Mais le souvenir et l’imagination, la trouvaille des mots, de leurs enchaînements et de leurs associations, sont d’un secours plus grand. Notes et images ne sont que des supports, des points d’accroche, des traces pour le récit. Puis, enfin, il y a la mémoire du corps : de jour sur la route, les chemins, les bois et le long des rivières ; de nuit sous la tente ou dans la chambre. Et le travail du souvenir et de la conscience, acérée, sélective, oublieuse ou distraite ; cette chose décidément étrange.

En descendant les rivières

Le périple démarre de mon quartier bruxellois vers le canal menant à Vilvoorde. Nous sommes aux petites heures, sombres et silencieuses, presque muettes. L’étape est longue et je ne désire sans doute pas être vu de mes voisins dans un tel équipage. La route est en pente, ce qui me donne le temps de m’habituer aux bagages fixés aux deux roues et au-dessus du guidon. Une sensation de grand départ et d’ajustement dans la fraîcheur. « Quelle folie », me suis-je dit un instant à l’arrêt, vérifiant mes vastes fontes blanches et noires. J’avais pourtant de l’expérience, mais la première étape jusqu’au village néerlandais de Chaam dépasse largement les cent kilomètres. Je compte atteindre un natuurkampeerterrein que je connaissais aux Pays-Bas, près de Bar-le-Duc. Pas question de dresser ma tente entre deux caravanes bruyantes ou de dormir à l’hôtel. Il va falloir d’abord traverser la Flandre et son monde rural atone, parfois sinistre. J’opte pour les chemins de halage le long des voies d’eau : le Senne, la Dyle, le Ruppel et la Nèthe. C’est déjà un autre monde, loin des routes, sinueux et bordé de prairies. La Senne est étroite et ondoyante. Après le confluent avec la plus large Dyle, je vois se dresser devant moi un fin pont de métal bleu pâle pour rejoindre l’autre rive, plus loin un bac pour cyclistes et pour piétons. Je suis au pays de la lenteur. À midi, je casse la croûte face à un château blanc. Sur la grande table de bois est écrit le mot « Peace ». La ligne de défense d’Anvers, lors de la Grande Guerre, passait par ici. Les pacifistes à tout prix me paraissent suspects. La Flandre en compte

Sur la route de Chaam
(photographie de l’auteur)

Tout à coup, à ma droite, j’aperçois comme un jardin japonais protégé par des piquets de bois, une installation d’herbes et d’arbres autour d’une étrange pierre ronde, couverte de mots en demi-cercle. Je dois sauter au-dessus du ruisseau pour l’atteindre en chancelant. Personne à la ronde, pas de poète, de sorcière ou de chaman aux aguets derrière un arbre. Le texte est curieux : « Akkers kantelen de seizoenen, de bomen en vogels doen enkel nog denken aan wat ze zijn, de tijd is lucht, zo worden herinneringen gemaakt, alles komt tot stilstand, tot landschap, tot iemand hier staat en kijkt ». Me voilà face à un koan flamand, une guirlande de mots dont ma lecture suscite la présence de ce qu’ils évoquent : les saisons, les arbres et les oiseaux, le temps et l’air, les souvenirs qui se figent en silence face à celui qui regarde. Le cycliste.

Chaam

Il faut continuer. La fin de cette première étape est interminable. Après Hoogstraten, région connue pour ses fraises (il y a même des « aardbeienautomaat » le long de la route), mon équipage en vient à traverser la dentelle de la frontière belgo-néerlandaise. Échancrures, enclaves, isthmes, îlots de Bar-le-Duc. Mais je finis par changer de pays, et cela se voit : urbanisme rigoureux et équilibré, fenêtres sans rideaux garnies d’objets (vases, poupées, sculptures…) placés de manière symétrique, pistes cyclables séparées, fermes somptueuses telles des maisons de maître protégées par des douves, églises et temples, jardins, fleurs… Un petit air calviniste et avenant en même temps.

Le camping de Chaam s’atteint par un étroit chemin de terre, bordé de haies vives. J’y trouve beaucoup de caravanes, mais le calme règne et je dispose d’une grande prairie. La tente montée est accueillante, je me dirige vers les sanitaires. Ils sont mixtes ; ce sont les premiers du genre que je rencontre. Des femmes, des hommes et des enfants se lavent, sortent de la douche, soignent les bébés, parlent, rient, chantonnent. Je me masse d’eau chaude pour assouplir les muscles. Dans la grande pièce d’à côté, un salon avec tables basses, fauteuils, livres, magazines, jouets pour les enfants. On fait connaissance. J’ai changé de pays, de langue, de coutumes, de musique des mots, de visages. Il ne m’aura fallu que quelques heures. Pour ce premier jour, je trouve encore la force de remonter sur ma bécane et d’aller manger au village, puis de revenir un peu ivre entre les haies.

Sur l’île

La traversée en oblique vers le nord-est des Pays-Bas commence. Ce pays m’est familier : j’en parle la langue, une jeune femme de Maastricht m’a en partie élevé lorsque j’étais enfant. Elle m’a raconté l’histoire de son pays, et celle de la guerre d’indépendance en Indonésie. Un de mes oncles était « hollandais » et j’y ai passé des vacances d’adolescent. Son histoire et ses richesses, ses peintres, ses écrivains, ses bateaux à fond plat me sont connus. Cette fois, je rentre dans le cœur du vieux pays : canaux, ponts, bacs et larges rivières, immenses et lentes. En me dirigeant vers une ville en bord de Meuse, après plusieurs heures de route, je glisse sur une digue bordée d’arbres. Le paysage défile avec ses bandes brunes, vertes et bleues comme un tableau de Rothko. J’entre enfin dans une petite ville fortifiée qui m’est inconnue, Heusden. Elle est au bord de la Meuse, « Mater Mosa ».

Vers Heusden
(photographie de l’auteur)

Le natuurkampeerterrein est plus loin, sur une île entre la Meuse et un de ses bras, situé dans le parc d’un château – pas moins. Il faut prendre un bac avec des enfants, et d’autres cyclistes bien évidemment. Le lieu est un peu étrange : une prairie entourée d’arbres au bord du fleuve, avec une cabane en bois dans laquelle se trouvent les sanitaires et le bureau de la gardienne. Nous sommes quelques-uns, du type « campeur calme aimant le grand air ». Je monte à nouveau ma belle Hilleberg verte avec grande abside, une des Rolls de ce voyage avec la selle Brooks et le vélo de voyage Farrhadmanufaktur. Un campeur me prend en sympathie et me demande où je vais. « En Pologne », lui dis-je sans hésiter. Il dodeline de la tête, perplexe, et me trouve « vraiment très optimiste ». Cela m’inquiète de me l’entendre dire.

Plus tard, à mon grand étonnement, je vois arriver quatre hommes en camionnette tirant une remorque remplie de bûches et de boissons. Ils viennent faire la fête au bord de l’eau. Je m’inquiète et en parle à la gardienne, car ce genre d’agapes n’est pas autorisé dans les campings nature néerlandais. Les voitures ne sont pas davantage admises. Elle va parler au groupe, qui enlèvera la camionnette après avoir déposé son matériel au bord de l’eau, en contrebas. Ils feront un feu en dehors du camping, calmement. Je déménage prudemment ma tente dans un coin plus isolé. Le voyageur solitaire et fatigué se sent fragile, exposé aux éléments et aux humains dont il se méfie parfois. De mauvaises rencontres me reviennent à la mémoire, en attendant le sommeil.

Cerises, pluies et frontière allemande

La nuit fut calme, les consignes ont été respectées. Comme tous les matins ou presque, et cela pendant trois semaines, c’est le rituel du petit déjeuner sur l’herbe – ou dans l’abside lorsqu’il pleut. Suivi du pliage de la tente, du remplissage des quatre fontes en veillant à leur équilibre, de la consultation de la carte – le GPS est peu utile à vélo ; il n’offre qu’une étroite fenêtre et il faut le recharger sans cesse –, d’un petit gonflage des pneus, de diverses vérifications techniques. J’ai beau rouler sur une très robuste monture allemande de « tourdumondiste », munie de pneus anti-crevaison, il faut veiller au grain.

Au retour d’un précédent voyage au Danemark, je m’étais un jour retrouvé sous la pluie battante avec un pneu crevé au bord d’une route, les fontes jetées dans l’herbe pour poser ma bicyclette pneus en l’air. Une autre fois, en pleine Puszta hongroise, ce sont mes rayons brisés qui ont voilé ma roue arrière jusqu’à l’aéroport de Budapest. Un premier avait lâché, puis le second. Toute la roue pouvait rapidement suivre en m’immobilisant dans la plaine. Je décide de faire une courte étape après ces deux longues journées et déniche un camping dans un verger, aux arbres couverts de cerises. La ferme attenante, parfaitement restaurée, date de 1832. Il fait chaud et je me régale, allongé à côté de ma tente. Il y a peu de monde, des enfants jouent. Mais l’atmosphère n’est curieusement pas celle, plus bohème, d’un natuurkampeerterrein.

Un souvenir d’inondation du côté d’Arnhem
(photographie de l’auteur)

La ville d’Arnhem est sur le trajet du quatrième jour. Je recoupe ma précédente route vers le Danemark avec un brin d’émotion, les nuages s’amoncellent et le temps fraîchit. Nous sommes dimanche, pas moyen d’acheter des vivres et j’ai une faim de loup. Une rue en forte pente mène vers le haut de la ville où se trouve un beau musée d’art moderne. Je m’approche de l’entrée, le temps de m’abriter. J’y rencontre deux cyclistes de luxe (vélo haut de gamme, courroie au lieu de chaîne pour la transmission, tenue cycliste de grande marque, casques élégants…) consultant leur Smartphone assorti à leur équipage : « un orage arrive, il faut se protéger, vite ! ». Je range mon vélo et miracle : le bistro du musée est ouvert. Je passe l’orage devant mon assiette raffinée. La pluie est tellement forte que les employés doivent chasser l’eau des bâches extérieures, en les soulevant à coup de manches à balai. L’eau jaillit par saccades sur les bords, retombe en épaisses chutes bruyantes.

J’approche de la frontière à la fin l’après-midi, par temps toujours gris. Le t’Scharvelt d’Haarlo sera mon dernier natuurkampeerterrein, ces oasis de tranquillité et de verdure que l’on ne trouve qu’aux Pays-Bas (ma professeure de russe, chanteuse d’Okoudjava et cycliste roulant sur des vélos antiques, me les avait recommandés). Le temps est exécrable et froid. Certaines grandes tentes néerlandaises, les fameuses De Waard en coton beige, sont chauffées par un poêle interne dont la cheminée pointe au-dessus de l’entrée. Je suis morose et décide de louer un petit chalet, plutôt que de passer la journée dans la Hilleberg battue par la pluie. Le lendemain, je remarque une tente « type pays de l’Est » en face du chalet. C’est un Polonais avec son fils qui se dirigent à vélo vers les Pays-Bas. Il est traducteur et écrivain. Nous parlons beaucoup et resterons en contact pendant des années, y compris lors d’un séjour dans son pays. Ma destination vient à ma rencontre…

Gudrun et Dieter sur le départ à Haarlo
(photographie de l’auteur)

Déprimé, j’hésite à continuer. Puis, par hasard, je rencontre Gudrun et Dieter sous une pluie battante. C’est un couple allemand souriant qui voyage très chargé, prénoms sur leur plaque. Leur philosophie est très singulière : ils logent toujours dans les hôtels mais n’y mangent jamais, trimbalent une tente et tout le matériel « en cas d’urgence », ainsi que de la nourriture en abondance. Lui était machiniste des chemins de fer en ex-RDA, elle employée du tertiaire. Ils retournent à Frankfurt an der Oder, ma dernière ville avant la Pologne. Encore une rencontre avec ma destination. Je les croiserai à deux reprises, à Münster et Gernrode, en pleine canicule cette fois. Leur présence me donne un coup de fouet pour continuer. Je me réfugie dans ma cabane de bois pour reprendre des forces, avant de m’élancer sur les routes allemandes.

Münster, Teutoburger Wald et Externsteine

Les premiers tours de roue dans le Münsterland se font sous un ciel bleu zébré de fins nuages, couvrant un paysage rural légèrement vallonné. De grosses fermes de briques rouges, parfois de la taille d’un château, émaillent le pays. « Je suis dans le Heimat » me dis-je soudain en pensant à la série « Heimat – Eine deutsche Chronik » – l’histoire allemande dans un village – et je croise en effet un « Heimatmuseum » quelques kilomètres plus loin. Puis vient la petite ville bien nommée de Vreden (« La paix », encore ?), avec son centre arboré, ses commerces, ses bancs et ses Biergarten. J’aperçois de hauts panneaux blancs et jaunes arborant la lettre « H » le long de la route. Y aurait-il tant d’hôtels en Allemagne ? La fin des natuurkampeerterrein bataves m’attriste et je redoute les campings allemands, bruyants et remplis de caravanes. Mais les panneaux indiquent des arrêts de bus… Le pays est vert et boisé, mais également composé de vastes pâturages, de grandes fermes.

Salle du traité de Westphalie à Münster
(photographie de l’auteur)

Münster s’approche ; je souhaite m’arrêter avant la célèbre ville, lieu de la terrible révolte des anabaptistes et du Traité de Westphalie. La petite bourgade de Havixbeck fera l’affaire. J’y trouve mon premier petit hôtel « bett + bike » du voyage : le Beumer. Le cyclotourisme est populaire en Allemagne et les commerçants s’adaptent. Le lieu est charmant et bon marché : un de ces petits hôtels allemands qui n’a pas été racheté par les grandes chaînes, comme en France. Ma chambre est confortable après les nuits spartiates sous la toile. Un balcon couvert de géranium donne sur la place. Le rêve gemütlich… D’autant qu’il y a une librairie avenante, une atmosphère paisible sur la place. Je m’endors en lisant Job de Joseph Roth, embrouillé par le texte allemand et la douceur de l’eau chaude relâchant le corps, les plumes de l’édredon, le silence.

L’étape vers Münster – qui signifie « Monastère » – est très courte. Elle est voulue telle : je souhaite parcourir un peu la ville. Je dresse ma toile de l’autre côté de la ville, dans un camping où je déniche un petit terrain séparé, réservé aux tentes. Le temps est chaud, très chaud. Il me reste une après-midi entière pour Münster où je déambule sur deux roues, la meilleure façon d’arpenter une ville, le mode le plus libre, le plus souple, le plus immergé, le plus aérien.

L’histoire de la ville est à découvrir au musée historique ; celle des anabaptistes (« théocratie anarcho-communiste » fondée par Thomas Münzer), mais aussi du traité de Westphalie dont je découvre la salle lambrissée où il fut négocié. Il y a, au centre de Münster, une splendide librairie, avec notamment des ouvrages sur la fin de la guerre et le viol des femmes allemandes par les soldats américains (« Als die Soldaten kamen »). Il n’y eut donc pas que les Russes à Berlin et en Prusse. J’achète Das Drama der « Wiedertäufer » de Helmut Lahrkamp, un livre sur le Royaume utopique des anabaptistes, riche en gravures, et me plonge dans cette histoire singulière et tragique. Par bien des aspects, « Le Royaume » anabaptiste iconoclaste fait penser à un califat islamiste (les instruments de musique et les cartes à jouer sont jetés au feu, ainsi que des livres). Une fois de plus, la volonté messianique de créer une société parfaite aboutit à l’Enfer. Dans le centre piétonnier, après avoir contemplé une statue d’anabaptiste dressée au pied de la cathédrale, je rencontre Gudrun et Dieter, l’air réjoui par le soleil. Ils sont ambrés comme des abricots. Mais dans le camping de Münster, l’ambiance est au troisième âge, bière et télévision. Hâte de partir pour les hauteurs de Westphalie.

Il me faut encore arpenter la plaine, avec ses fermes cossues et ses Heimatmuseum. Arrêt à Rietberg, gros bourg-musée superbement restauré. Comme dans toute l’Allemagne, les petites villes qui n’ont pas été bombardées sont préservées et choyées. Les colombages abondent, mais également des sculptures en plein air, plus contemporaines, représentant des personnages « d’époque ». Certaines sont très drôles, comme j’en verrai en Estonie. Je loge dans un Gasthaus, plus modeste qu’un hôtel ; le vieux couple de propriétaires me reçoit avec chaleur. J’aurai  droit à un paquet de tartines, pour mon repas de midi…

A la sortie de Rietberg, je croise une mosquée turque, toute neuve et très grande. Puis, un peu plus loin, un « Landgasthaus bei Ahmed ». Suivi d’une ferme à colombage, immense, et d’un vestige du mur de Berlin. Le relief s’accentue. Après avoir passé un col pentu, je découvre une étonnante structure rocheuse, des aiguilles de pierre grumeleuse blanchâtre, dont deux sont reliées par une passerelle. Elles font face à un étang ; le lieu est visiblement touristique. C’est comme un décor de théâtre, une incongruité géologique stupéfiante qui me prend par surprise, ne pédalant pas le nez sur un guide touristique.

Les Extersteine dans la Teutoburger wald
(photographie de l’auteur)

Je ne le sais pas encore, mais je suis face à un lieu sacré, détourné par l’ésotérisme nazi dans sa quête d’une germanité primordiale : les Externsteine (les « pierres aux coins étoilés ») dans la Teutoburger Wald et les Eggebirge. Peut-être un ancien lieu de culte saxon préchrétien, puis le site d’un ermitage catholique, ensuite un sanctuaire nazi, et aujourd’hui un lieu de dévotion touristique. Le tout non loin de la gigantesque statue d’Hermann (Arminius en latin), le légendaire soldat germanique qui se serait opposé aux Romains. Hermann est érigé au sommet d’une haute colline et mesure plus de cinquante mètres, ce qui en rajoute encore. Mais j’ignore tout cela, ce qui accroît ma surprise de voyageur innocent, au regard neuf et candide. Le hasard m’a conduit ici, en suivant l’itinéraire cycliste européen Boulogne-Saint-Pétersbourg. Voici donc, après les Heimatmuseum, l’Allemagne des forêts sacrées et des cultes païens, ce qui ramène aux chromos de mes livres d’histoire…

La douce Westphalie

Ce pays profond, décidément, m’inquiète et m’enchante. Surtout celui qui vient. Ma prochaine étape est Nieheim située sur une colline de Westphalie. C’est une vieille bourgade déclive et silencieuse, un peu au bout du monde, avec de belles maisons de briques et colombages, de curieux musées : du schnaps, de la bière, du sac, du pain, du jambon et du fromage. Et, par-dessus tout, un temple de la gastronomie westphalienne : Culinara Westphalica. Sans oublier « Le plus grand piège à souris du monde ». À Gernrode, il y a « le plus grand coucou »…

Près du centre du bourg, le cimetière juif dresse ses tombes sous les arbres. Je note des noms sur les tombes : Simon Grünewald (1796-1868), Floria Marienthal (1857-1936) et un certain Adolf Frankenberg (1865-1933). Les noms n’ont pas de consonance juive, mais les tombes portent l’étoile de David. Un Juif prénommé Adolf qui meurt en 1933, l’année de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Le jour suivant, la route vallonnée se poursuit dans un paysage lumineux et splendide, paisible, silencieux, presque maritime. Elle plonge vers le fleuve Weser qui coule vers Brême et se dissout dans la mer du Nord à Bremerhaven. Je l’avais traversé sur un minuscule ferry lors de mon voyage vers le Danemark. Cette fois, je le franchirai sur un pont, après avoir arpenté la petite ville de Höxter au sortir de laquelle se trouve le célèbre monastère de Corvey – gardé par de puissantes statues de guerriers qui ressemblent aux sentinelles des temples japonais. Je le visiterai quelques années plus tard, lors d’un séjour hivernal à Höxter.

Paysage de Westphalie
(photographie de l’auteur)

Pour l’heure, il faut trouver à se loger et il n’y a pas de camping dans les environs. Je me rabats sur une chambre (sanitaires et cuisine partagés) dans un Gastehaus à Dassel. C’est le jour où le bourg célèbre sa fête annuelle près de l’église, en même temps que le libraire – trente années de présence – qui a disposé des bouteilles de vin au milieu de ses bouquins. Une étape apaisante dans ce village en liesse, un accueil chaleureux, un orchestre en plein air, de la danse, une bonne nuit.

Contourner le Harz

Le lendemain, je dévale une longue et étroite route, très sinueuse entre pâtures, avec de temps à autre des silos de foin en forme de yourte verte. Le paysage est ouvert et je devine un massif plus élevé et sombre à l’est ; une grande bosse boisée oblongue culminant à près de douze cents mètres au mont Brocken. Son nom, le Harz, provient de Hart, signifiant à la fois montagne et forêt (tel Oku-Yama en japonais), tout comme le mot celtique ard d’où dériverait le nom Ardenne. Le massif est en face de moi, mais il me faut le contourner par le nord pour longer ses flancs et éviter d’en faire l’ascension. On s’approche de l’ancienne frontière entre les deux Allemagnes (RFA et RDA), qui coupait le Harz en deux. Le cœur de la ville d’Einbeck est composé de maisons d’une beauté stupéfiante : colombages et couleurs de toutes sortes, pignons ouvragés et penchés, ruelles étroites. La gare est de style Belle Époque.

Peu avant la ville touristique de Goslar, dominée par un palais impérial (Kaiserpfalz Goslar), rénové sous Guillaume II, et le grand complexe minier de Rammelsberg, je remonte une rivière vers un camping situé au bord d’un lac sur les hauteurs de Langelsheim. La chaleur est plus forte et je crains un caravaning bondé. Mais, à ma surprise, il y a en contrebas une prairie réservée aux campeurs et aux cyclistes. Bientôt, un autre cyclotouriste vient ranger sa tente dans mes parages. Il se nomme Han et vient de Berlin. Nous échangeons des informations sur chacun de nos parcours qui sera bientôt celui de l’autre, l’expérience du voyage en solo. Il est jaloux de ma vaste Hilleberg qu’il qualifie de « bungalow ». On conversera jusqu’à la tombée de la nuit.

La Weser près de Höxter
(photographie de l’auteur)

La ville de Goslar traversée un peu à la hâte, le parcours cycliste longe la montagne par des chemins latéraux, sous le couvert d’arbres qui protègent de la violence du soleil. Des sorcières chevauchant des balais ont fait leur apparition sur les panneaux indicateurs cyclistes. Nous sommes dans leur pays, elles qui célébraient leur sabbat sur le Brocken lors de la nuit de Walpurgis. Goethe s’en est inspiré pour son Faust. Au passage de l’ancien rideau de fer, un grand tableau indique « Hier waren Deutschland und Europa bis zum 11. November 1989 um 16 Uhr geteilt ». Peu après, je croise une Trabant, une vraie qui est encore utilisée, et des feux de signalisation avec le petit bonhomme qui marche ou qui étend le bras. C’est le Ampelmann que l’on voit partout dans l’ex-RDA.

Mais curieusement, au fur et à mesure que je progresse le long des flancs du Harz, j’ai l’impression d’entrer dans un autre récit, un autre pays. Visite impromptue du monastère de Drübeck où je pense loger ; il est devenu un centre évangélique quelque peu rigide, à lire affiches et règlements (le protestantisme paraît très présent en RDA). J’arrive finalement à Thale situé à la sortie d’une étroite gorge, flanquée d’un téléphérique proche de la verticale. C’est une petite ville touristique appauvrie qui fait encore très « pays de l’Est », avec ses boutiques de jeans démodés sur la Karl-Marx Allee, ses immeubles communistes – « casernes pour civils » comme écrivait Simenon dans ses reportages en Pologne –, ses aménagements de béton dans les parcs pour enfants.

Sorcière à vélo près de Goslar
(photographie de l’auteur)

Il y a un curieux camping sur le site d’un ancien monastère, le bien nommé Klostercamping. Peu auparavant, j’ai vu des conteneurs de collecte de vêtements, de jouets, pour l’Ukraine (où la guerre fait rage au Donbass depuis un an). Je me demande pour quelle partie de l’Ukraine les habitants de la Karl-Marx Allee font leurs dons… Le patron du camping circule en Trabant. Au soir, la chaleur augmente au lieu de faiblir. La canicule sévira jusqu’à la frontière polonaise.

C’est le lendemain que je m’arrête – après une vingtaine de kilomètres de trajet ombragé, balisé par des sorcières – dans le bourg désert mais parfaitement rénové de Gernrode, près de la vieille ville de Quedlinburg. Les pavés y sont épouvantables pour le voyageur cycliste lourdement chargé. Le Gasthaus zum Bären a une chambre libre – et sans doute plusieurs autres, à voir les rares clients. Après avoir déposé mes fontes, je descends vers la gare pour emprunter le petit train du Harz vers Quedlinburg. J’y retrouve à nouveau Gudrun et Dieter. Dieter me raconte qu’il était conducteur de train en Allemagne de l’Est, près de la Pologne. Il porte des vêtements chauds malgré la canicule. Leur voyage cycliste s’achève à Dessau où ils prendront le train pour Frankfurt an der Oder. Ils me conseillent d’éviter Potsdam et le Brandebourg occidental car il y a une « fête des fleurs » et les hôtels sont complets. Je décide de passer par le sud de Berlin.

Vue sur le Münzenberg du Shlossberg à Quedlinburg
(photographie de l’auteur)

J’ai déjà raconté sur ce site ma visite de Quedlinburg – la ville allemande dans laquelle débute le superbe film Frantz de François Ozon – et son contexte « faustien », les aventures de Goethe et de la nuit de Walpurgis au sommet du Brocken, dont l’écrivain fit l’ascension il y a deux siècles. Et retracé, en quelques lignes, comme si c’était une annexe, la suite du voyage vers la frontière de l’Oder. L’occasion m’est ici donnée de détailler davantage cette seconde partie du voyage. Car je ne suis qu’à la moitié de ma traversée horizontale de l’Allemagne

Les deux Allemagne, Luther et la comète

La suite du voyage est un peu comme dans un autre monde, plus d’un quart de siècle après la réunification. Le paysage est différent, plus plat, avec des champs immenses presque kolkhoziens, des habitants parfois hostiles aux étrangers, et ayant bénéficié des transferts financiers de l’Ouest. C’est du moins l’impression que donnent les villages et les petites villes : tout semble rénové, comme à Gernrode. Mais il y a moins de jeunes, moins de Biergarten pour le cycliste assoiffé, moins de commerces. Tout est un peu plus lent. La route descend lentement vers la vallée de l’Elbe où se trouve Wittenberg, « la ville de Luther ».

Je passe une première nuit au camping de Löderburg, au bord d’un lac qui n’est pas un mirage de chaleur. La plage de sable est grouillante de monde, « mais cela se vide le soir » me dit le responsable du lieu. Je m’en vais tellement tôt le lendemain matin (pour éviter la chaleur) que je n’arrive pas à sortir : les portes du camping sont fermées. On vient m’ouvrir et je passe quelques kilomètres plus loin devant le Schloss Hohenerxleben, un château entouré d’un parc qui loue des chambres à petit prix. Des cyclovoyageurs m’en diront le plus grand bien…

Lac de Löderburg
(photographie de l’auteur)

Avant d’arriver à Wittenberg, il me faut passer la nuit dans une pension moderne, de plain-pied. Les chambres donnent sur le jardin auquel on accède par une porte. Le patron est désagréable, voire xénophobe. Ma connaissance de l’allemand est réduite, mais je peux me débrouiller. Il ne fait cependant aucun effort pour parler plus lentement et ma présence est tout juste « tolérée ». J’aurai l’explication le lendemain en bavardant avec une artiste de l’Ouest, une « Wessi », qui expose à Dessau. Une partie de sa famille vivait en RDA, et elle me confie à voix basse – comme si la STASI pouvait encore nous entendre – les fortes différences, toujours présentes, entre les deux Allemagnes. Les « Ossi » sont davantage repliés sur eux, ont peur de l’étranger, ont moins d’initiative et de créativité, notamment économique. Ils éprouvent « un complexe d’infériorité ». J’en verrai d’autres signes, comme des panneaux pour cyclistes barbouillés dans leur partie anglophone…

Dessau, la ville traversée avant Wittenberg, est la seconde implantation du Bauhaus après Weimar. Je longe ses bâtiments plus ou moins inchangés, hébergeant toujours une école d’architecture. La traversée de l’Elbe me conduit à la ville de Luther. Après quelques tours de roue, la chaleur étant tellement torride, je me réfugie dans une galerie marchande à l’air conditionné. Il faut repasser le fleuve pour installer la tente sur l’herbe roussie, puis regagner la ville pour manger dans le restaurant L’Ours noir, spécialiste des plats à base de pommes de terre. De retour une quatrième fois au milieu du fleuve, pour regagner ma pelouse-paillasson encore chaude, j’assiste à un coucher de soleil mystérieux, un astre blanc comme une étoile filante. Ou plutôt une comète, traînant sa queue effilée et fendue. Le sommeil résiste longtemps à la chaleur qui irradie du sol.

Yoga, Fläming, orage et Brandebourg

Je quitterai bientôt la « grande Euroroute cycliste R1 » pour naviguer au sud de Berlin, afin d’atteindre Frankfurt an der Oder et la Pologne. Mais il faut d’abord se diriger vers Potsdam en m’élevant sur un plateau au nord de l’Elbe. C’est un beau parcours à travers champs et forêts jusqu’à la petite ville de Bad Belzig, où j’avale un copieux petit déjeuner sur une terrasse. Puis, sur une piste ombragée le long d’une petite route, je me fais rattraper par un Allemand moustachu : Sigi.

Nous conversons en pédalant à notre rythme. Il est professeur d’anglais dans la Ruhr et me dit faire régulièrement du « yoga cycliste » pendant ses vacances. Sa femme est assistante sociale en milieu ouvert, dans cette région industrielle en déclin. Sigi va à Potsdam, rejoindre « un ami membre de l’Opus Dei » me confie-t-il, comme en s’excusant. Nous sortons de la zone boisée et traversons une région nommée Fläming. Elle semble avoir été peuplée par des Flamands au Moyen Âge, qui avaient pour travail d’assécher les marais. Quel étrange voyage…

Vue de la fenêtre de l’hôtel à Beelitz
(photographie de l’auteur)

Entrée dans la petite ville de Beelitz, où l’orage tonne derrière des nuées de plus en plus noires. Sigi me trouve rapidement un logement avant de continuer sa route vers Potsdam (va-t-il y arriver, où va-t-il dormir ?). A peine installé, les éclairs jaillissent devant la fenêtre ouverte de ma chambre, que je referme aussitôt. Sigi sera sans doute trempé. Pendant plusieurs années, je recevrai une carte postale du cycliste, décrivant ses randonnées avec sa femme. Mais toujours en Allemagne. Heimat.

Je suis à deux ou trois jours de la frontière polonaise. Un monument à la gloire de Bismarck est érigé à ma droite, dans un village, puis, un peu plus loin, un autre célébrant l’Armée rouge « qui a libéré l’Europe du fascisme ». Les caractères sont en cyrillique. Je tente de trouver un « camping écologique » au fond d’une pinède, mais il est rempli de caravanes ; ma tente devrait être montée sur des aiguilles de pin. Au retour, je me fais agresser verbalement par une bande de jeunes qui retourne au camping. La nuit risquait d’être agitée. Je l’ai échappé belle. Finalement, c’est dans une épicerie bio que je trouverai le tuyau « d’un camping pour des tentes ». Il y a un, non loin et au bord d’un lac ! Pas de voitures, un espace pour les tentes, un lac splendide. J’y resterai deux jours, étant en avance pour le rendez-vous à Frankfurt.

Vingt-six années plus tard

Après ces deux jours de farniente et de nage, la suite sera curieusement mouvementée et étrange. La région devient très boisée, le chemin est de terre, comme si le pays s’ensauvageait à la frontière polonaise. Aucun des commerces mentionnés sur la carte n’existe encore. Tout semble déserté. Un reliquat de la  frontière « entre pays frères » ? Je traverse le canal Oder-Spree et emprunte un nouveau chemin de terre dans une forêt de vieux chênes. Il n’y a personne. Tout à coup, le bois s’éclaircit à droite et je devine la Pologne de l’autre côté de l’Oder. Miracle ! J’y suis !

Ayant un jour d’avance, il me reste à passer une nuit chez l’habitant, une chambre trouvée dans un contexte cocasse. Arrivé dans le village de Briesen (toujours en Allemagne) où je cherche à me loger, je discute avec un groupe de dames et leur demande s’il y a un hôtel dans le coin. « Non, dit l’une d’entre elles, sauf dans le fond de la vallée où il y a un établissement luxueux. Si vous voulez, je loue des chambres, mais pas avant 17 heures. Je suis en congé ! ». Je prendrai une chambre après son congé, avec salle à manger et cuisine communes. Mon vélo Farrhadmanufaktur (une marque allemande) aura droit à un garage sécurisé.

Le vélo du voyageur au rond-point Solidarnosc à Słubice
(photographie de l’auteur)

Le lendemain midi, arrivée à Frankfurt an der Oder que je traverse pour franchir le fleuve, vingt-six années après un passage au même endroit, l’hiver 1989 : une journée d’attente en file indienne sur les deux rives, de contrôles des appareils ménagers qu’un cousin polonais véhiculait à Varsovie. Je tourne autour du rond-point Solidarnosc et fais quelques kilomètres symboliques en Pologne. Je n’en crois pas mes yeux d’être arrivé aussi loin. Il me faudra encore compter sur mes forces pour remonter vers le haut de la ville et dénicher l’hôtel près de l’autoroute. Ma cycliste va arriver ce soir, sa monture suspendue à sa voiture depuis Bruxelles. Un autre voyage commence, une passionnante traversée zigzagante de la Pologne, par la Mazurie et le long de l’enclave de Kaliningrad, puis des pays Baltes – jusqu’au lac Peïpous, Tallinn et le Golfe de Finlande. C’était hier, il y a très longtemps.

 Bernard De Backer, juin 2023

Complément du 19 juin 2023. La RDA, un passé qui ne passe toujours pas en Allemagne. Le Monde du 19 juin. « Un succès de librairie soulève, outre-Rhin, de virulentes critiques comme de fervents soutiens. L’ouvrage, écrit par une jeune historienne, s’affranchit des grilles de lecture issues de la guerre froide pour dépeindre la « vie normale » en République démocratique allemande. » Avec une image de Trabant, forcément.

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Article paru dans La Cité après mon voyage de l’hiver 1989

Photographies

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Copyright

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La suite du voyage sur Routes et déroutes

Quedlinburg am Harz (Allemagne)

Wolfsschanze (Pologne)

La boucle du Karaïme (Lituanie)

La flèche curonienne (Lituanie)

Ruines de Courlande (Lettonie)

Soljenitsyne et les Lumières d’Estonie (Estonie)

L’Allemagne sur Routes et déroutes

Savane allemande

La leçon de Kaspar Hauser

Quedlinburg am Harz

Checkpoint Baader

Voyage au pays des Moor

Voyages cyclistes sur Routes et déroutes

4 réflexions sur “La Pologne à l’Horizon

  1. Un magnifique récit ! Un magnifique voyage. Une magnifique plume !
    Tu as une façon magique de décrire le quotidien mêlés à des commentaires historiques et culturels. C’est passionnant de te lire. Bravo.

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    1. Commentaire bienvenu, Brigitte. Cela m’encourage à écrire le dernier maillon de la chaîne, si j’ose dire. Notre petit séjour en Mazurie (à la frontière polonaise de l’enclave russe de Kaliningrad) dans une vieille école transformée en gîte, avec une randonnée cycliste d’une soixantaine de kilomètres et une surprise au bout…

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  2. Sacré voyage, magnifiquement raconté en effet ! Ton récit reflète bien la culture des régions traversées et de leurs habitants. On attend la suite, oui.

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    1. J’ai commencé les voyages cyclistes très tardivement, la cinquantaine venue, je crois. Avant cela, je voyageais à pied, forcément en montagne (Alpes, Atlas, Himalaya, Balkans, Turquie…). Toute une partie du monde m’échappait, d’abord en Europe. Parcourir des plaines et des villes par la « voie lente » du vélo est très différent que de les traverser en voiture (et a fortiori en train, sans parler de l’avion). Si on est attentif et si l’on a les yeux ouverts, on découvre beaucoup de choses. Dans ce cas, outre la différence abyssale entre la Flandre et les Pays-Bas, ce fut la permanence d’une sorte de frontière est-ouest en Allemagne. Je l’ai perçue à plusieurs petits signes que j’évoque. Mais la rencontre de hasard avec cette artiste Wessie qui exposait à Dessau fut très révélatrice. Qu’elle me parle de sa famille Ossie en chuchotant, alors que nous étions seuls sur un chemin de campagne, est déconcertant et très significatif. J’ai vécu un évènement du même ordre en traversant la Hongrie à vélo, bien avant Orban. Un jeune étudiant, qui parlait bien l’anglais, m’a longuement entretenu de son rejet de l’Europe, qu’il comparait à l’URSS et dont il pensait qu’elle menaçait tout autant l’identité hongroise. J’étais sidéré. La suite est venue..

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