Couverture du roman de James Hilton
(qui inventa le nom et le mythe de Shangri-La)
Dans le roman de James Hilton, Lost Horizon[1], l’avion qui s’était arraché de la ville afghane de Baskul avait mis cap sur le Tibet et survolé la haute vallée de l’Indus[2], ceinturée de montagnes vertigineuses. C’est peut-être non loin de l’ancien caravansérail de Leh que l’appareil s’était posé en catastrophe, près d’une vallée dominée par l’énigmatique lamaserie de Shangri-La. Loin en amont des plaines du Penjab et du Sind, exposées chaque année aux moussons venues du Bengale, le Ladakh, riverain du même fleuve, est désertique, ce qui lui valut le surnom de « Pays de la Lune ». Protégées par la barrière de l’Himalaya des masses d’air humide qui se déversent sur son flanc sud, ces terres ne sont irriguées que par l’eau de fonte des glaciers, alimentés par les neiges d’hiver. De petits chenaux captent le flux des rivières et le dirigent vers les oasis des villages. Coincé entre plusieurs chaines de montagnes, le Ladakh est un désert alimenté au compte-gouttes par un immense château d’eau, un bout de Sahara surélevé, dominé par des neiges éternelles. Les cultures et les cours d’eau sont par ailleurs trop peu nombreux pour provoquer une importante évaporation et des pluies de convection en saison chaude.
Complément du 24 juin 2025. « L’Himalaya en surchauffe », un excellent et indispensable dossier du journal Le Monde en six parties. Chronique d’une catastrophe annoncée qui menace 2 milliards d’humains (sans compter les autres, vivants ou non). Le troisième épisode évoque Lost Horizon, situant Shangri-La au pays Hunza au Pakistan (peu vraisemblable, ce n’est pas une région bouddhiste). Le quatrième, « Faute d’eau dans le haut Himalaya indien, les villages se dévitalisent et les traditions se perdent« , consacré au Zanskar et au Ladakh, confirme ce que j’avais écrit dans cet article : la combinaison du réchauffement climatique et de la « modernisation » indienne vide progressivement les villages dont les ressources en eau se tarissent par manque de neige en hiver et le recul des glaciers. C’est la mort annoncée (notamment par l’écologiste indienne Vananda Shiva) d’un écosystème unique au monde. Même le plastique a fait sa réapparition dans les rues de Leh, malgré les efforts des Ladakhis avec la militante écologique danoise Helena Norbert-Hodge. Lire aussi cet article du Monde d’août 2019 consacré au Spiti (situé au sud du Zanskar, voir mon récit Himalayan Queen) : Dans l’Himalaya : « On dirait que quelque chose est déréglé ». En Inde, les habitants du village de Komic, 4 587 mètres d’altitude, s’efforcent de survivre à la fonte des glaciers, à la multiplication des sécheresses et aux caprices de la météo. »
Complément du 21 juin 2023. La grande majorité des glaciers de l’Himalaya pourrait disparaître avec le dérèglement climatique. « Jusqu’à 80 % des glaciers de l’Himalaya et de l’Hindou Kouch pourraient fondre d’ici à la fin du siècle sous l’effet de la crise climatique. Un rythme qui s’est fortement accéléré au cours de la dernière décennie. » Le Monde du 21 juin.
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