Hétéronomes homonégatifs ?

Maïdan 2014

Place Maïdan à Kiev en 2014 (photographie Igor Zhuk)

L’Ukraine, pays machiste et terre des Femen, se démène comme elle peut dans sa position frontalière d’éternel « étranger proche ». Les évènements de Maïdan ont cependant fait surgir un nouveau spectre menaçant d’engloutir la patrie de Chevtchenko : la Gayrope ou « Euro-Sodom ». Agissant comme une pierre de touche et un révélateur, la question des droits des minorités sexuelles ouvre des réflexions beaucoup plus globales sur les liens entre homonégativité et hétéronomie religieuse assumée ou voilée.

Une très instructive série d’articles, en cours de publication sur le site du réseau de revues européennes Eurozine, dont La Revue nouvelle est membre, est consacrée à l’Ukraine, et plus particulièrement à « L’Ukraine dans le dialogue européen ». Un quart de siècle après l’indépendance de 1991 et deux ans après les évènements de Maïdan, suivis par l’annexion de la Crimée et le déclenchement de la guerre au Donbass, la situation du pays des confins de la Russie et de l’Europe est périlleuse. Les textes publiés par Eurozine, pour la plupart issus d’une collaboration avec l’Institute for Human Sciences (IHS) de Vienne[1], examinent la situation actuelle dans le contexte géopolitique et géoculturel de l’« entre-deux » où se trouve l’Ukraine, à partir de différentes thématiques. Le projet de l’IHS est piloté par Tatiana Zhurzhenko, originaire de Kharkiv où elle fut professeure en philosophie sociale. Zhurzhenko travaille plus particulièrement sur les identités de frontière postsoviétiques (borderlands), les politiques de mémoire, de genre, ainsi que sur le féminisme en Ukraine — ce qui n’est pas sans rapport avec notre sujet. Car il sera bien question ici d’identités de frontière au carré, de gender borderlines au borderland (nom anglais souvent donné à l’Ukraine).

Parmi les différents thèmes abordés par le projet de l’IHS en collaboration avec Eurozine, nous nous centrerons en effet sur la question des « sexualités non traditionnelles » (selon l’expression de V. Poutine) et le difficile et tortueux processus de non-discrimination des LGBT en Ukraine, dans le cadre de l’accord d’association avec l’UE. Mais au-delà de ce processus, que nous retracerons brièvement sur la base d’un article du projet de l’IHS, nous nous poserons plus globalement la question des rapports entre le rejet des orientations sexuelles non hétérosexuelles et une vision hétéronome, « religieuse », de la société. Notre objet n’est pas ici de stigmatiser les « homophobes »[2], de les rejeter dans les limbes de l’obscurantisme, ce qui ne ferait que reproduire un schéma binaire particulièrement étriqué, mais bien de saisir les logiques culturelles du rejet de l’homosexualité et autres « sexualités non traditionnelles ». Cela dans le contexte particulier de l’Ukraine, où le spectre de la « Gayrope » fut agité par la Russie pour effaroucher Kiev, mais aussi par nombre d’acteurs internes au pays. Ensuite, de manière plus extensive, nous aborderons brièvement la question d’une « géoculturalité de l’homonégativité » et de ses fondements.

Les aléas de la proposition de loi 2342

Pour avoir longuement bourlingué en Ukraine, nous avons pu constater à de nombreuses reprises que la norme sexuelle des Ukrainiens (similaire à celle des autres « pays de l’Est », comme le montre la carte « Rainbow Europe » sur la situation légale des LGBT) était vigoureusement et ostensiblement hétérosexuelle et « traditionnelle ». Même des amis proches, résolument démocrates et pro-européens, semblaient gênés à l’évocation de l’homosexualité, « sujet tabou » en Ukraine à cette époque[3]. Il est dès lors d’autant plus intéressant de restituer le champ conflictuel qui s’est révélé dans la bataille politique des LGBT en Ukraine, avant et après Maïdan, selon l’article de Maria Teteriuk, « A litmus test for post-Maidan democracy » (« Un test décisif pour la démocratie post-Maïdan ») paru dans le cadre de « L’Ukraine dans le dialogue européen ». Rien que l’expression « test décisif » indique évidemment la pierre de touche que semble constituer ce point pour l’auteure. Mais pourquoi diable cette focalisation sur les sexualités « non traditionnelles » et qu’est-ce qui peut bien réunir ses opposants par-delà les clivages politiques ?

Entre 2011 et 2013, sous le règne de Viktor Yanoukovitch et du Parti des régions, plusieurs propositions de loi « anti-propagande » (ce terme s’inspire de la terminologie poutinienne et désigne toute forme de manifestation publique des LGBT pour leur non discrimination) furent présentées au parlement ukrainien, dont celle de l’un des opposants les plus farouches à la « propagande homosexuelle », Vadym Kolesnichenko. Ancien parlementaire ukrainien russophone de Crimée, ce dernier est aujourd’hui, par la faveur de l’annexion, membre du parti « national-conservateur » russe Rodina (Patrie)[4]. Mais sous la pression internationale (ONU, UE et diverses ONG), les projets de lois ne furent pas soumis au vote, contrairement à ce qui se passa en Russie. Le projet officiel de Yanoukovitch était toujours de signer l’accord d’association avec l’Union européenne, ce qui explique sans doute « la sensibilité » du pouvoir aux pressions externes. Mais ce premier épisode popularisa la thématique de la « propagande homosexuelle » sur la scène publique et mit le feu aux poudres des débats qui suivirent, autant au parlement que dans diverses arènes publiques.

Pour la première fois en Ukraine, une proposition de loi en faveur des droits des LGBT vit le jour en 2013. Elle était la conséquence des exigences européennes pour la libération du régime des visas pour les citoyens ukrainiens, dans le cadre des accords d’association avec l’UE, qui impliquait une mise à niveau de la législation anti-discrimination ukrainienne avec les standards européens, notamment en matière d’orientation sexuelle. C’est ainsi que, après diverses manœuvres, le gouvernement du Premier ministre de Yanoukovitch, Mykola Azarov, finit par soumettre la proposition de loi 2342 au Parlement. Cette proposition interdisait explicitement les discriminations sur la base de l’orientation sexuelle. Et elle fut rapidement au centre d’une vive bataille politique entre les partisans et les adversaires du rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne. Selon Maria Teteriuk, l’opposition au projet 2342 fut même beaucoup plus vive que celle à l’encontre de intégration européenne.

Cette opposition réunissait des « adversaires irréconciliables » comme le parti d’extrême droite Svoboda et le Parti communiste d’Ukraine, ainsi que les églises et une part du Parti des régions « pro-russe » de Yanoukovitch. Une campagne massive de lobbying fut organisée par les Eglises chrétiennes, le Parti communiste, les organisations pro-russes du Parti des régions. L’Union européenne y était assimilée au « mariage entre personnes de même sexe » et à la « dictature homosexuelle ». Le projet de loi 2342 fut finalement repoussé par un accord politique en juillet 2013, qui demandait à la Cour constitutionnelle d’expliquer que la législation ukrainienne en vigueur interdisait déjà la discrimination…

Après Maïdan

La cristallisation du débat autour de la « question homosexuelle » fut d’une telle intensité que certains partisans de Yanoukovitch expliquèrent, à un large public, que le rejet de l’accord d’association avec l’UE lors du sommet de Vilnius les 28 et 29 novembre 2013 était en fait motivé par le fait que l’UE forcerait l’Ukraine à légaliser les mariages gay (ce qui est notoirement faux). Bref, l’association avec l’Union européenne en entrainerait d’autres qui menaceraient l’Ukraine d’apocalypse, comme l’avait prophétisé le patriarche de l’église orthodoxe russe[5]. La question prit rapidement le sens d’un point de fixation et de clivage géopolitique ou géoculturel, la Russie se posant en héros messianique de la défense de la civilisation contre la dégénérescence fatale représentée par la « Gayrope » ou « Euro-Sodom ». Mais l’opposition du projet de loi anti-discriminatoire 2342 ne peut se réduire à l’influence du lobby pro-russe, car elle comportait également des acteurs politiques ukrainiens pro-européens, ce qui se vérifiera avec les évènements postérieurs à Maïdan. Il était d’ailleurs courant dans l’Ukraine des années 1990 de diffamer un personnage politique sur la base de son homosexualité présumée. Et nous avons vu que des partis nationalistes, comme Svoboda, ainsi que des Eglises chrétiennes ukrainiennes (sans parler des Tatars de Crimée) s’opposaient aussi vigoureusement à la non-discrimination des LGBT.

Cette opposition reprit en effet après les évènements de Maïdan, la fuite de Yanoukovitch et l’arrivée d’un gouvernement pro-européen au printemps 2014. Ainsi, en mai 2014 et dans la perspective de l’accord d’association, le parlement approuva le projet de loi 4581 reprenant en grande partie le projet 2342, à l’exception de la prohibition de la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Mais les yeux de la population (et de l’Europe) étaient alors tournés vers la Crimée et le Donbass ; l’Ukraine signa l’accord de libéralisation du régime des visas en juin 2014 sans qu’une loi anti-discriminatoire n’ait été adoptée (ce qui ne fut pas le cas de la Géorgie et de la Moldavie, même si ces pays rencontrèrent une résistance des églises et des « conservateurs »). La guerre « hybride » avec la Russie favorisa cependant l’identification à l’Europe et le financement par Moscou de certaines organisations militant pour les « sexualités traditionnelles » prit du plomb dans l’aile. Ce qui n’empêcha pas la Kyiv Gay Pride 2015 d’être attaquée par de jeunes membres des groupes paramilitaires d’extrême droite, le Pravy Sektor et le Sich. Cependant, des parlementaires du parti de Poroshenko participèrent à la Gay Pride et le président lui-même souligna, à cette occasion, que la liberté de réunion pacifique faisait partie des droits de tous les citoyens.

Les lignes se mirent donc à bouger, malgré l’opposition de l’extrême droite et des Églises (le Parti communiste ayant été interdit et le Parti des régions réduit à la portion congrue). Une tentative de soumettre un projet de loi 3442 explicite en 2015 déboucha néanmoins sur un nouvel échec, avec l’opposition de l’extrême droite (Samopomich et le Parti radical) et du Bloc oppositionnel formé d’anciens membre du Parti des régions. Finalement, le projet de loi 3442 fut adopté le 12 novembre 2015 sous la pression d’activistes LGBT, mais aussi de citoyens « ordinaires » qui s’inquiétaient de ne pouvoir disposer d’un régime de voyage sans visa vers l’Europe. Le combat fut donc favorisé par la nouvelle donne politique, un glissement des mentalités et la pression de l’UE sur le régime des visas. De nombreux indices, comme le haut niveau d’homonégativité en Ukraine, donnent cependant à penser que sa mise en œuvre ne sera pas facile. Par ailleurs, l’Ukraine n’est pas à l’abri de retours de flamme conservateurs, comme dans différents pays d’Europe centrale membre de l’UE (Hongrie, Pologne, Lituanie…). L’histoire n’est jamais linéaire, autant le savoir.

Homonégatifs de tous les pays

Ce survol du débat ukrainien amène à se poser la question de ce qui caractérise et clive les opposants et les partisans d’une reconnaissance des « sexualités non traditionnelles » (nous reviendrons sur ce terme). Comme nous l’avons vu, les opposants à la reconnaissance des droits LGBT étaient, d’un côté, des Églises chrétiennes de différentes obédiences, et, de l’autre, des partis politiques peu favorables à la démocratie libérale (Parti communiste, extrême droite, Parti des régions). Pourrait-on dire que ce qui les réunit, par-delà leurs différences, est d’être favorable à l’« ordre naturel des choses » ? Et que cette « naturalité » s’incarne de manière particulièrement forte dans le domaine de la sexualité (mais aussi du rapport entre les genres) ? Tant les Églises, le Parti communiste, l’extrême droite et les partisans de V. Poutine sont en faveur d’une société hiérarchisée « verticale », subordonnée à une altérité méta-sociale (transcendance religieuse, vérité de l’Histoire, nature du Peuple) et communautaire ou « holiste » (subordination de l’individu au collectif).

La « naturalité » du couple hétérosexuel — et de la libido censée le fonder — constitue, à première vue, le socle de cette vision par la différence anatomique qui paraît le justifier. Donner du « jeu » à cette fondation, par la reconnaissance de la légitimité d’autres dispositions sexuelles, risque de faire basculer tout l’édifice. Il est remarquable de constater que la progression de la démocratie, à avoir l’autogouvernement des sociétés par elles-mêmes sans garant méta-social, s’est accompagnée en Europe occidentale d’une égalité plus grande entre les genres et d’une reconnaissance progressive des droits des homosexuels (et plus largement des LGBT). Inversement, sur notre continent, nazisme et bolchevisme furent des adversaires résolus de l’homosexualité, alors dans que les régions dominées par un paradigme théologico-religieux, comme c’est le cas pour de nombreux pays musulmans (mais aussi en Inde et dans une partie du monde orthodoxe), la situation des homosexuels est pour le moins préoccupante. On a, par exemple, appris récemment qu’un jeune candidat au jihad en Syrie avait confié à la justice bruxelloise que « des recruteurs l’avaient obligé, lui et quatre autre compagnons, à commettre des agressions violentes sur des homosexuels »[6].

Comme le souligne Marcel Gauchet dans un article de 2015 de la revue Le Débat sur « Les ressorts du fondamentalisme » : « Dans la modernité occidentale elle-même, nul ne l’ignore, la hiérarchie des sexes a constitué, dans le cadre familial, la dernière empreinte vivante de la structuration hétéronome. Toutes les autres hiérarchies étaient balayées mais celle-là demeurait. Elle ne s’est dissoute que tout récemment. Tant que cet ultime vestige de l’ordre hétéronome qu’est la hiérarchie des sexes existe, on peut rêver de revenir sur le reste. Enlevez cette butée et ce coup-là nous sommes dans un autre monde, notre monde. » Ce propos peut bien entendu être étendu à la « butée » de l’hétéronormativité, ce qui explique la focalisation obsessionnelle des groupes et partis sur ce point, ainsi que celle de la Russie poutinienne. Il est intéressant de noter le rôle des femmes et des féministes en Ukraine, notamment de députées, pour soutenir les projets de lois anti-discrimination des LGBT.

Rappelons que l’homosexualité n’est plus considérée comme maladie mentale par le DSM III que depuis 1980. Il est piquant de constater que le retrait de cette mention a été obtenu par des manifestations de militants homosexuels devant les portes du Congrès aux USA qui devait entériner le nouveau DSM. Derrière les portes, où s’opposaient psychiatres et psychothérapeutes, ce sont les psychothérapeutes qui résistent à ce retrait « car cela revient à faire s’effondrer tout un pan de la psychopathologie freudienne »[7] (nous soulignons). Nous n’entrerons pas ici dans le vaste débat sur « psychanalyse et homosexualité » (ni sur la libido d’Anna Freud), au sein duquel les positions ont beaucoup varié[8], mais force est de constater que nombre de psychanalystes se sont opposés au « mariage pour tous » en arguant de la « naturalité » du couple hétérosexuel (le plus souvent exprimée par des arguments de type « symboliques », voire des « invariants anthropologiques »).

Quant à Lacan, grand admirateur de l’Église catholique et ancien sympathisant de l’Action française, outre les nombreux témoignages de son dédain et de ses qualificatifs injurieux sur les « tantes », on citera ici ce propos rapporté par l’une de ses dernières compagnes (et analysante…), Catherine Millot, au sujet d’un transsexuel à l’hôpital Sainte-Anne à Paris : « Il ne cessa de rappeler, au cours de l’entretien, qu’il était un homme, qu’il le veuille ou non, et qu’aucune opération ne ferait de lui une femme. Et pour finir il l’appela « mon pauvre vieux » »[9].

On serait tenté d’affirmer qu’une certaine psychanalyse lacanienne, particulièrement développée dans les pays latins de la contre-réforme, a retraduit l’hétéronomie religieuse dans son discours sur l’ordre sexuel. C’est en tous cas l’analyse développée par Michel Tort qui écrit, dans son livre La fin du dogme paternel (2007), que la psychanalyse lacanienne est « ventriloque de la tradition religieuse monothéiste ». Cela ne serait pas sans rapport avec l’homonégativité de Lacan et le témoignage de Millot à propos de sa fascination pour l’Eglise catholique et sa violence verbale à l’encontre d’un transsexuel. Comme l’affirme Michel Tort, les normes de la théologie chrétienne « reprenaient du service sous un accoutrement “symbolique”, à grand renfort d’anthropologie et de psychanalyse »[10].

Bougres de Japonais

Un dernier mot sur la notion de « sexualité traditionnelle » et sur la validité de notre hypothèse pour certaines époques ou régions du monde. Remarquons tout d’abord que la notion de « tradition » est congruente avec celle d’hétéronomie, dans la mesure où l’ordre social y est fondé sur la fidélité aux ancêtres ou aux interprètes de la vérité historique ou raciale et non sur la construction autonome de la société et des identités individuelles. Dans les faits, cependant, la réalité historique semble plus complexe et l’analyse développée plus haut devrait être nuancée et enrichie. L’on sait qu’en Europe, en particulier durant les périodes de l’antiquité grecque et romaine, la notion d’homosexualité n’existait pas et que les pratiques sexuelles légitimes étaient différentes de l’hétérosexualité « naturelle ». C’est le monothéisme judéo-chrétien qui a condamné l’homosexualité comme étant « contre nature ».

Par ailleurs, dans une autre sphère culturelle et géographique, le Japon médiéval n’avait pas les mêmes normes sexuelles que l’Occident chrétien. Les missionnaires portugais, vecteurs du premier contact avec la civilisation japonaise au XVe siècle, furent surpris par le raffinement de la société et par ses mœurs, souvent éloignées de l’hétéronormativité monothéiste, mais parfois proches de celles la Grèce antique. La religion shinto pas plus que le bouddhisme ne condamnait l’homosexualité masculine (nanshoku) ou la pédérastie (wakashūdo), mais l’inégalité entre les genres y était bien présente. La situation était semblable dans la Chine traditionnelle ; les lois anti-homosexuelles du XIXe siècle (dynastie Qin), maoïstes ensuite, sont d’inspiration occidentale, comme au Japon. Nous reviendrons sur la spécificité de la civilisation japonaise dans un prochain billet de blog.

Bernard De Backer, mars 2016

Pour télécharger le fichier pdf du texte : RD Hétéronomes homonégatifs ?

L’article en ligne sur le site de La Revue nouvelle

Complément du 7 juillet 2023. Homosexualité : ce qu’en disent les religions orientales. Dans les traditions orientales, l’homosexualité n’est pas forcément condamnée : tout dépend des textes et des époques. Hindouisme, bouddhisme, taoïsme… Au lendemain de l’édition 2023 de la Marche des fiertés (ou Gay Pride) parisienne, « Le Monde des religions » passe en revue ce qu’en disent les principales spiritualités d’Extrême-Orient. Le Monde du 25 juin 2023

Complément du 3 mars 2020. En Russie, « Dieu » devrait faire son apparition dans la Constitution, par Benoit Vitkine dans Le Monde du 3 mars. « La réforme de la Loi fondamentale voulue par Vladimir Poutine s’enrichit d’un fort volet identitaire et prévoit l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe. » (nous soulignons)

Complément du 23 février 2020. « Europe de l’Est : la guerre du genre est déclarée », par Par Jean-Baptiste Chastand, Jakub Iwaniuk et Anne-Françoise Hivert dans Le Monde du 21 février. En Pologne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie… la question des LGBT est devenue un cheval de bataille des gouvernements, créant une nouvelle fracture entre l’Est et l’Ouest. Dans plusieurs de ces Etats de l’UE, des alliances anti-LGBT se sont créées entre « illibéraux », mouvements catholiques ou organisations d’extrême droite. Voir également la partie relative aux normes sexuelles « traditionnelles » dans ce documentaire très instructif de Karl Zéro et Daisy D’Errata  diffusé par Arte : Kadyrov, Ubu dictateur de Tchétchénie. Car en dehors du personnage « ubuesque » de Kadyrov et de sa relation au « père » Poutine, c’est bien la culture traditionnelle et hétéronome qui paraît mobilisée. Comme en Russie.

Notes

[1] Fondé en 1982 à Vienne, l’IHS promeut les échanges entre l’Europe orientale et occidentale. On y retrouve notamment le philosophe canadien Charles Taylor et l’historien étatsunien Timothy Snyder, ainsi que de nombreux chercheurs d’Europe centrale et orientale. Le siège d’Eurozine se trouve également à Vienne.

[2] Le texte dont nous nous inspirons pour le débat ukrainien, « A litmus test for post-Maidan democracy », de Maria Teteriuk, Eurozine 2016, emploie la plupart du temps le terme « Homonegativity », réservant celui d’homophobie à l’expression d’une peur « irrationnelle », d’une phobie de l’homosexualité. On peut en effet être opposé à la reconnaissance de l’homosexualité comme orientation sexuelle légitime sans être pour autant « homophobe ». Cette remarque vaut pour d’autres « phobies » sociales, terminologie ayant le désavantage (ou l’avantage…) d’assimiler l’opposition et la critique à une disposition maladive ou suspecte (de refoulement, de racisme, de pathologie, etc.), balayant les vrais enjeux d’un débat sous le tapis d’une psychopathologisation de la vie collective. Ce mécanisme d’invalidation de l’opposant par pathologisation ou diabolisation est bien connu (stratégies de défense utilisées contre la critique du communisme ou de la psychanalyse, par exemple).

[3] Je me permets de renvoyer à mon récit « Voyage au pays des deux rives », paru dans le dossier « Où va l’Ukraine », La Revue nouvelle, octobre 2006, et notamment au témoignage d’Anastasia.

[4] Parti politique nationaliste de type « rouge-brun » (son symbole est une étoile rouge) antioccidental, xénophobe et « panrusse » créé en 2003, regroupant différentes tendances nationalistes. Il fut « éclaboussé en janvier 2005 par le scandale de « la lettre des 500 », pétition de personnalités publiques et de députés demandant de lutter contre la « domination juive mondiale » et exigeant l’ouverture d’une enquête sur les associations juives de Russie, accusées d’organiser des activités extrémistes ». Lors d’élections à Moscou en 2005, Rodina fit « une campagne publicitaire du parti [qui] montre des Caucasiens en train de jeter les bouts de pastèques qu’ils viennent de manger sous les roues d’un landau poussé par une jeune femme blonde, avec le slogan « débarrassons la ville des ordures » », dans Marlène Laruelle, « Rodina » : les mouvances nationalistes russes du loyalisme à l’opposition.

[5] Le patriarche Cyrile n’a en effet pas hésité pas à considérer le mariage gay comme un « symptôme alarmant de l’approche de l’apocalypse  ». Par ailleurs, Le Saint Synode de l’Église orthodoxe ukrainienne (Patriarcat de Moscou), réuni le 15 mars  2013, avait « décidé de s’adresser au nom du métropolite Vladimir de Kiev au président de l’Ukraine V. Yanoukovitch, au chef du gouvernement N. Azarov et au chef de la Rada V. Rybak leur demandant d’empêcher l’adoption du projet de loi n° 2342 élargissant la notion de « discrimination », permettant d’interpréter comme discrimination la position négative traditionnelle de l’Église sur l’homosexualité ». Voir notamment Bernard De Backer, « Apocalypse pour tous », La Revue nouvelle, septembre 2013.

[6] Dans La Libre Belgique, 28/2/2016. Il y a peut-être un lien entre ce type de fait et le vote FN de couples homosexuels en France. Selon une enquête du Cevipol, près d’un tiers des répondants homosexuels mariés a voté pour le FN en décembre 2015, dans L’Express, 4 février 2016. Voir aussi le texte d’Alban Ketelbuters, « Aux associations de défense des homosexuels en France de dénoncer l’intégrisme musulman », Le Monde, 28/1/2016, ou les positions de Pim Fortuyn (ne se revendiquant pas de l’extrême droite) aux Pays-Bas. Pour une analyse du phénomène, voir Didier Lestrade, Pourquoi les gays sont passés à droite, Le Seuil 2012

[7] Dans Pierre Scheppens et Nicolas Zdanowicz, Tous fous ou la psychiatrie 5.0, Academia 2015.

[8] Freud a notamment écrit : « L’exigence féminine d’une égalité des droits entre les sexes n’a pas ici une grande portée, la différence morphologique ne peut pas ne pas se manifester dans la diversité du développement psychique. Le destin, c’est l’anatomie », dans La disparition du complexe d’Œdipe, 1923.

[9] Propos cité par Elisabeth Roudinesco dans « Lacan, amour et bouts de ficelle », Le Monde du 19 février 2016, compte-rendu du livre de Catherine Millot, La vie avec Lacan, Gallimard, 2016.

[10] Par exemple : « Toucher à ce legs universel, en instaurant mimétiquement un “mariage homosexuel” générateur de filiation via adoption ou procréation assistée, apparait anthropologiquement des plus aventureux », Francis Martens dans « L’union civile », La Revue nouvelle, novembre 1996 (nous soulignons).

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