
La Révolution culturelle est le « stade le plus avancé et le plus chargé de promesses » (Alain Badiou)
(Photo Public Domain)
Je n’ai aucune raison de lutter pour que la Chine soit démocratique, ça m’est complètement égal. Elle le deviendra toute seule quand elle sera assez riche. (…) En réalité, ce qu’on appelle la démocratie, c’est le régime politique approprié aux formes les plus développées du capitalisme contemporain.
Alain Badiou, Quel communisme ?
Là où se lève l’aube du bien, des enfants et des vieillards périssent, le sang coule.
Vassili Grossman, Vie et destin
À l’heure où les habitants de Hong-Kong jouent leur peau et leur avenir pour ne pas être avalés par un régime néo-communiste orwellien, où des centaines de milliers d’Ouïgours sont « rectifiés par le travail » dans une forme chinoise contemporaine de Goulag, où les Tibétains sont annexés et détruits culturellement, il est peut-être utile de s’interroger sur les idées politiques d’une des figures emblématiques de la philosophie française, le maoïste Alain Badiou. Avec le support de quelques-uns de ses écrits politiques, et, en contrepoint, de celui du livre de Pierre-André Taguieff, L’émancipation promise. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit, dans « l’idée communiste » prônée par le philosophe : du projet d’émancipation totale de l’humanité et de ses mises en œuvre souvent radicales. Et pour atteindre cette promesse d’un sujet collectif, participant à l’absolu universel, il est nécessaire d’éliminer ce qui y fait obstacle, singulièrement les particularismes. Quitte à vivre et publier, comme Lénine, à l’abri des institutions démocratiques. Car celui que l’on surnomme parfois « Le Grand Timonier de la Pensée » n’a jamais demandé, à notre connaissance, l’asile politique à la Chine. Il est vrai qu’il s’agit – du moins aujourd’hui – d’un « capitalisme d’État » qu’il rejette. Mais de quelle nature est dès lors son projet communiste et quels en sont les fondements ?
Notre propos ne sera pas ici de nous pencher longuement sur les engagements maoïstes, ou, plus largement, marxistes-léninistes, du philosophe, ni sur sa négation à géométrie variable des crimes du communisme (notamment ceux des Khmers rouges). Cela a été fait par d’autres et ne nous semble par ailleurs pas le plus « philosophiquement » ou intellectuellement instructif. Certes, on pointera quelques faits et déclarations, en résumé, pour situer la ligne politique de Badiou, mais nous nous dirigerons rapidement vers les fondements de son engagement. Il les développe dans plusieurs ouvrages, notamment dans Quel communisme ?, un livre récent d’entretiens avec son éditeur Peter Engelmann, philosophe originaire de Berlin-Est et fondateur des éditions viennoises Passagen Verlag. On notera que la version française est publiée par les éditions Bayard, un éditeur catholique[1], ce qui n’est peut-être pas sans intérêt pour notre sujet.
Normalement supérieur
Mais traçons d’abord un portrait rapide du philosophe, également mathématicien et écrivain, sous l’angle principal de son engagement communiste[2]. Alain Badiou est né en 1937 – année de la Grande Terreur stalinienne – à Rabat. Ses parents étaient des « normaliens », élèves de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm (ENS) où ils se sont connus. Alain Badiou sera lui aussi un élève de l’ENS, où il deviendra professeur en 1999. Son père, Raymond Badiou, était membre de la SFIO et ancien maire de Toulouse, avant de démissionner en protestation contre la position de la SFIO sur la guerre d’Algérie, pour participer à la fondation du PSU (Parti socialiste unifié), un parti situé entre le PCF et la SFIO (qui deviendra le Parti socialiste français). Son fils Alain commencera son engagement politique de manière similaire à celui de son père, d’abord à la SFIO, puis au PSU, dirigé par Michel Rocard depuis juin 1967. En 1969, il rejoint l’extrême gauche et participe à la création de l’Union des communistes de France marxiste-léniniste (UCFml). Il sera un des leaders du maoïsme français[3], comme d’autres normaliens, élèves notamment de Louis Althusser, tels les frères Miller (Jacques-Alain et Gérard), futurs psychanalystes lacaniens qui militent, eux, à la Gauche prolétarienne[4]. Une partie de la fine fleur de l’intelligentsia française était maoïste (donc stalinienne) à l’époque.
Alain Badiou restera à l’UCFml jusqu’au début des années 1980, avant de rejoindre L’Organisation politique (OP) en 1985, un groupuscule communiste « résolument moderne » militant principalement pour les « droits des prolétaires étrangers en situation irrégulière ». Badiou s’en éloignera et l’OP sera dissoute en 2007. Depuis lors, il se déclare fidèle à « l’idée communiste » mais ne milite plus dans une organisation structurée. Ce parcours étant tracé à la hussarde, penchons-nous un instant sur son attitude concernant les crimes de masse du communisme, qu’ils soient soviétique ou asiatiques (chinois, cambodgien, coréen…).

Le Grand Timonier Mao Zedong
(source Wikipedia)
Son adhésion au maoïsme était accompagnée, comme chez beaucoup d’autres, d’un aveuglement à ses réalités meurtrières, telle la terrible famine du « Grand bond en avant », de 1958 à 1961, qui fit trente-six millions de morts selon Yang Jisheng[5]. Rappelons que le livre de Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao, basé sur sa lecture attentive de la presse chinoise et des publications des Gardes rouges à partir de Hong Kong, date de 1971. L’ouvrage traite des événements de février 1967 à octobre 1969, en pleine révolution culturelle. Cette période est celle de l’adhésion de Badiou au maoïsme, qu’il rejoint en 1969 au sein de l’UCFml. La publication des ouvrages de Simon Leys provoque l’hostilité des milieux maoïstes français, et suscite des comptes-rendus étonnants dans des quotidiens comme Le Monde (« Une nouvelle interprétation de la Chine par un « China watcher » français de Hongkong, travaillant à la mode américaine »). À l’université de Vincennes, le stand de la maison d’édition est démoli par des militants maoïstes, qui détruisent également tous les exemplaires du livre, raconte Gérard Guégan, alors directeur littéraire chez Champ libre, maison d’édition où fut publié Les Habits neufs du président Mao. La destruction des livres, une pratique tyrannique bien connue.
Badiou écrira par ailleurs une tribune pour Le Monde, intitulée « Kampuchéa vaincra ! » publiée le 17 janvier 1979, dans laquelle il prend la défense de Khmers rouges après l’invasion vietnamienne. Il écrira notamment : « Ce qui semble paralyser certains devant l’évidence du devoir, c’est la vaste campagne menée depuis trois ans contre le « goulag » cambodgien. » Et il ajoutera : « Il n’est pas même demandé d’examiner en conscience à qui sert finalement la formidable campagne anticambodgienne de ces trois dernières années, et si elle n’a pas son principe de réalité dans la tentative en cours de « solution finale »». La mise en lumière des crimes de masse du régime khmer rouge serait donc le fruit d’une « vaste campagne », préparant l’invasion du pays par le Viêt-Nam, voire même la « solution finale » de la question cambodgienne. Ce qui laisse entendre que ces crimes n’existent pas, leur « principe de réalité » étant ailleurs.
D’innombrables déclarations peuvent être ajoutées à ce qui précède, ainsi que les débats, notamment entre Alain Badiou et Marcel Gauchet, Alain Finkielkraut ou Laurent Joffrin. Pour le normalien, si le communisme a échoué, c’est qu’il n’a pas eu assez de temps, que l’expérience était neuve et qu’il lui manquait de modèle historique : « Après des millénaires de gestion centrée sur la propriété privée, on a eu une expérience de collectivisation qui a duré soixante-dix ans ! Comment s’étonner que cette très courte expérience, menée en Russie et en Chine pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, n’ait pas trouvé immédiatement sa forme stable et qu’elle échoue provisoirement ? On s’attaquait là à un tabou millénaire, et il fallait tout inventer sans aucun modèle préalable. » (Débat avec Laurent Joffrin, Libération, 8 novembre 2017).
En d’autres mots, l’échec (provisoire) et les crimes du communisme, son absence de « forme stable », n’ont rien à voir avec son idéologie millénariste, qui voulait dans le chef de Lénine, inspiré par Marx, créer une société parfaite, quitte à éliminer tous ceux qui s’y opposaient. Le projet communiste, au sens marxiste-léniniste, demeure dès lors dans toute sa pertinence pour Alain Badiou, car il ne s’agit que d’une « très courte expérience dans l’histoire de l’humanité ». C’est d’ailleurs ce qu’il affirme en préface de Quel communisme ? : « Après la catastrophe finale des États socialistes, après la conversion du monde entier[6] au paradigme du capitalisme déchaîné, nous devons en quelque sorte tout reprendre à zéro. » Et il soutient, à la fin de cette même préface, en faisant « le bilan des aventures du XXe siècle » que le stade « qu’incarne la Révolution culturelle en Chine » et « le plus avancé et le plus chargé de promesses ». Il est donc bien toujours maoïste, y compris dans sa phase la plus extrême qui est pour lui « la plus chargée de promesses ». Comment envisage-t-il ce projet politique et sur quels fondements philosophiques base-t-il sa foi en « l’idée communiste », malgré tant d’échecs ?
Le « surhomme » et « l’homme nouveau » après la mort de Dieu
C’est notamment dans Que Faire ? (2014) et Quel communisme ? (2015) que le philosophe détaille son parcours politique et philosophique, les deux étant étroitement associés. Le second livre est d’autant plus instructif qu’il s’agit d’un entretien avec son éditeur en langue allemande, le philosophe allemand Peter Engelmann (1947), établi à Vienne. Ce dernier a connu le communisme à Berlin-Est, où il a été fait prisonnier pendant un an par la STASI, avant de fuir pour l’Allemagne « capitaliste » en 1973. Fort de cette expérience du socialisme réel, Engelmann posera certaines questions intéressantes à Badiou, qui développera ses arguments en réponse. Ils n’auraient peut-être pas été abordés sans un tel interlocuteur. Précisons que le « thème concret » de l’entretien est « l’idée du communisme », selon les mots de Peter Engelmann, ce qu’indique mieux le titre en allemand (Philosophie und die Idee des Kommunismus[7]), langue dans laquelle le livre fut d’abord publié en 2013.
La première partie du livre est philosophique, centrée sur la notion de sujet, alors que la seconde concerne « les conséquences, les possibilités qu’ouvre cette notion de sujet », selon les termes de son interlocuteur, Peter Engelmann. Badiou décrit son parcours intellectuel à partir de la notion de sujet chez Sartre (dans la filiation phénoménologique de Merleau-Ponty et de Husserl), celle de « la conscience libre ». Cette dernière entre en conflit avec le structuralisme, qui évacue cette notion au bénéfice des « structures ». Chez Althusser en particulier, « le sujet est une notion idéologique, une notion bourgeoise ». Mais Badiou résiste à cette mise en cause du sujet, notamment pour des raisons pratiques : « je ne vois pas comment on peut se passer de la catégorie de sujet en politique ». Et il ajoute : « réduire la politique – et le marxisme – à un contexte purement objectif, purement structural, sans figure du sujet, n’aboutit à rien d’autre qu’à une sorte d’économisme pur, à l’intérieur duquel on ne sait pas vraiment ce qu’est l’action politique proprement dite, en tant qu’action décidée, libre et constructive. » Il tente néanmoins de « concilier les enseignements du structuralisme (…) avec un renouveau du sujet. » Et c’est chez Lacan qu’il trouvera un enseignement accordant une importance essentielle aux structures (« l’inconscient est structuré comme un langage ») tout en maintenant la notion de sujet, en en faisant « même quelque chose d’absolument central ».
Le sujet est, chez Badiou, « étroitement lié à deux autres notions » : celle d’événement et celle de vérité. » Le sujet n’équivaut en effet pas à l’individu, ce dernier n’étant que « convoqué » à devenir sujet, par le biais d’un processus politique, artistique ou amoureux. Précisons qu’il peut tout autant concerner un sujet individuel qu’un sujet collectif, ce qui nous rapproche de « l’idée communiste » et de la « révolution ». Le développement de la notion de sujet, de cette possibilité pour l’individu, qui n’est qu’un « animal humain » d’être convoqué par le hasard d’un événement ou de la vérité, débouche sur les notions d’absolu, d’infini, de réel, d’universel qui sont plus ou moins équivalentes dans ce texte.
Un sujet est un individu qui peut « participer à l’absolu », « toucher l’infini du réel ». Contrairement à la philosophie de l’histoire chez Hegel, dans laquelle le développement de l’absolu (l’Esprit) se fait par un « autodéveloppement » parce qu’il est interne à l’humain historique, chez Badiou c’est le hasard de la rencontre avec l’événement qui fait surgir le sujet au contact de l’absolu (immanent). Comme il le dit à Engelmann, « C’est là qu’intervient la question de l’événement, c’est-à-dire qu’il faut que se produise dans la vie de l’animal humain quelque chose qui lui ouvre cette possibilité. Si on admet que cette possibilité peut s’autodévelopper, on va redevenir hégélien. Donc il y a quand même une part de hasard. » En d’autres mots, le sujet est cet animal humain qui peut être sujet et atteindre l’absolu par le hasard de l’événement. Badiou prend les exemples de la rencontre amoureuse et du « printemps arabe » pour illustrer ces cas de figure. Il faut « une poussée du dehors » pour participer à l’absolu.

Les cinq pères fondateurs du marxisme-léninisme
(source Wikipedia)
La notion de sujet est donc une manière de conserver l’absolu après la mort de Dieu, de ne pas « se passer de tout ce qui allait avec (ndlr : Dieu), à savoir l’absolu, le salut subjectif, la capacité à faire et à désirer le bien, le mysticisme. » En d’autres mots, il veut conserver la possibilité de « désirer l’absolu » après la mort de Dieu, conserver la vérité contre les opinions. Il va donc à contre-courant de « certaines interprétations de la mort de Dieu [qui] sont une manière de restreindre les possibilités humaines à la survie matérielle la plus agréable possible, un point c’est tout. » Et c’est sur ce point qu’il rejoint la réponse de Nietzsche à la mort de Dieu, celle du « surhomme », celle de la capacité pour l’homme de surmonter l’homme : « Voilà le surhomme. Le surhomme peut sans doute être compris à la manière fasciste comme un héroïsme national. Mais on peut le comprendre aussi comme quelque chose de positif. »
Nous voici, pensons-nous, à une articulation doublement importante entre la vision philosophique de Badiou et son engagement communiste. Dans la mesure où cet engagement, dans la postérité de Marx, est une quête de l’absolu immanent et de la société réconciliée après « la sortie de la religion », il est logique qu’il se fonde sur un sauvetage de la possibilité de l’absolu après la mort de Dieu. Mais deux voies apparemment opposées, comme le positif et le négatif selon ses termes, semblent s’offrir dans cette direction illustrée par la possibilité du surhomme chez Nietzsche : la voie fasciste du surhomme biologique et la voie communiste de « l’homme nouveau » (chez le jeune Marx de 1843 et chez celui qui a le plus influencé Lénine, Tchernychevski, l’auteur de Que Faire ? Les hommes nouveaux, 1863). La question est évidemment de savoir, au regard de ses diverses incarnations au xxe siècle, si ces deux voies sont structurellement différentes.
Les trois Marx et « l’émancipation de l’humanité toute entière »
Ces termes étant posés, vient l’articulation avec Karl Marx en opposition avec Nietzsche, dont le surhomme lui semble trop lié à la « puissance biologique » (on sait l’usage qui en a été fait par le nazisme). C’est ici que Badiou va distinguer trois Marx différents, en complément à la dimension hégélienne (même « remise sur ses pieds ») du philosophe de Trèves. Il y a, d’un côté, le Marx « philosophe de l’histoire » fortement influencé par Hegel, avec ses différentes « étapes » dialectiques du devenir historique, devant aboutir au communisme et à la « fin de l’histoire ». Puis, de l’autre, le Marx analyste scientifique de la société industrielle, influencé par l’économie politique anglaise, en particulier Ricardo. C’est le Marx qui s’exprime dans son œuvre principale, Le Capital. Enfin, après le dialectique et l’analytique, il y aurait un troisième Marx, auteur du Manifeste du parti communiste (1848) et de l’adresse inaugurale de L’Association internationale des travailleurs (1864), la « Première internationale ». C’est le Marx politique, celui qui crée un outil pour renverser l’ordre établi.
Et c’est là que l’on retrouve la théorie du sujet de Badiou : « faire du prolétariat le sujet historique qui permet de souder philosophie de l’histoire et vision analytique du capitalisme. » Et c’est donc à travers « la fusion » des trois Marx que l’on peut réconcilier « l’analyse structurale » et le sujet, comme le fera Lacan structuraliste à partir de Freud. Même si cette articulation n’est pas facile, autant dans le marxisme entre le « gauchisme activiste » et « la droite économiste » que dans la psychanalyse, entre la « médecine objective » et la « théorie pure du sujet ». L’idée communiste, chez Badiou, n’est dès lors « ni analytique ni dialectique ». Elle désigne ce qui « dans les politiques contemporaines, est susceptible de subjectivation, d’avoir valeur universelle. Pour moi la philosophie ne s’intéresse en réalité qu’à l’absolu. (…) Donc ce qui va intéresser la philosophie quand elle donne des exemples politiques – communisme va être un des noms possibles mais ce n’est pas le seul –, c’est précisément tout ce qui dans la politique concerne l’émancipation de l’humanité toute entière… ». Le propos et l’objectif politique sont clairs : le prolétariat est le sujet collectif révolutionnaire qui permet d’émanciper l’ensemble de l’humanité. Mais le terme d’émancipation n’est quant à lui, guère précisé. Quant à savoir s’il existe « un » prolétariat et « une » humanité toute entière, cela ne semble pas faire de doute.
Son dialogue avec son interlocuteur qui a connu le « socialisme réel » devient serré. A la question de savoir si l’usage d’une autre notion que « communisme » ne serait pas préférable, étant donné l’expérience du XXe siècle, Badiou répond sans sourciller : « Mais il n’y en a pas d’autre. Historiquement, je n’en connais pas d’autre, et le fait que cela ait nommé pendant un temps des aberrations n’est pas à mes yeux un argument fondamental. Les gens demandent comment je peux maintenir cela, mais les États socialistes ont duré cinquante ans, soixante-dix ans, c’est une échelle de temps absolument limitée. » Pour Badiou, dès lors, la terreur, les camps de concentration (konzlager, premier nom du Goulag), les famines, la militarisation de l’économie et les crimes de masse du « socialisme réel » au nom du communisme sont des aberrations, sans rapport avec l’utopie elle-même. Un détail ou une ruse de l’histoire, en somme. Son soutien maintenu à la révolution culturelle (voir notamment Badiou et Gauchet, 2014), un des épisodes les plus apocalyptiques du maoïsme et que Simon Leys écrivait toujours avec des guillemets, indique que ces régimes n’étaient pas que « aberrants » pour lui. Il n’est dès lors pas nécessaire de piocher dans ses déclarations de l’Union des communistes de France marxiste-léniniste pour s’en convaincre.
On notera en passant la dimension religieuse de la Révolution culturelle, analysée notamment par les sinologues Vincent Goossaert et David Palmer dans La question religieuse en Chine[8]. « Si la Révolution culturelle a provoqué la destruction la plus profonde de toutes formes de vie religieuse de l’histoire chinoise et peut-être humaine, elle est loin d’être un mouvement de sécularisation. Elle a plutôt représenté l’apothéose d’une tendance parallèle de sacralisation politique qui prenait ses racines dans la culture politique et religieuse de la Chine impériale, ainsi que dans les dimensions utopiques et apocalyptiques d’une révolution moderne » écrivent Vincent Goossaert et David Palmer. Quant à Yang Jisheng, il avait d’abord pensé titrer son volumineux livre Stèles. La Grande Famine en Chine,1958 -1961, « La route du Paradis ».
Dans la suite du livre, Badiou reprend la distinction entre le « bon » Lénine et le « mauvais » Staline (politiquement, pas moralement). C’est la fusion de la doctrine avec le pouvoir d’État dans « des conditions terroristes », opérée par Staline, qui serait la source de l’aberration. Quant à « ce qu’on appelle démocratie, c’est simplement l’organisation du pouvoir hégémonique dominant » (le capitalisme). Le capitalisme est pour Badiou « une pathologie, une maladie » et le communisme sera dès lors la « santé ». Un passage amusant et significatif du dialogue survient quand Engelmann témoigne : « Moi, par exemple, j’ai vécu dans un pays où j’ai fait l’expérience d’être sans dispositif légal pour me protéger en tant que citoyen libre. (…) Tout ce que je fais, désormais, je peux le faire grâce au fait que je me suis évadé de prison et que j’ai échappé à ce système politique non capitaliste. » Ce à quoi Badiou répond : « Cette différence existe. Je suis d’accord que c’est tout à fait différent de vivre en France et de vivre au Cameroun. » Engelmann précise : « Ou à l’époque en Allemagne de l’Est. » Badiou persiste : « D’ailleurs, beaucoup de Camerounais pensent la même chose… » (une référence au colonialisme capitaliste versus soviétique ?).
Le sujet, accès à l’infinité du réel et à l’universel
La seconde partie du livre revient sur la notion de sujet (individuel ou collectif) comme capacité d’accès à l’absolu qui est aussi l’universel, la possibilité de ne plus être au service de ses particularités. Celles-ci peuvent s’entendre comme des intérêts égoïstes, mais aussi comme des identités culturelles et nationales. On retrouve ici un axe fondamental du projet d’émancipation marxiste, qui se veut une libération universelle des attachements particuliers, ce qui explique notamment un « antisémitisme universaliste » d’une certaine gauche marxiste (dont Badiou fut lui-même accusé). Un thème sur lequel revient longuement Taguieff dans son livre L’émancipation promise (2019), où il consacre un chapitre entier – « L’émancipation et la « question juive » selon le jeune Marx » – au fameux article de Marx sur La question juive (Zur Judenfrage, 1843). Dans Quel communisme ?, Badiou nuance le propos et parle de « la possibilité pour un individu de participer à une exception immanente et par conséquent de ne plus être un pur et simple produit des conditions concrètes qui sont les siennes… » Mais on ne peut s’empêcher de penser à l’arasement des particularités culturelles et religieuses, notamment en Chine aujourd’hui avec la sinisation du Tibet[9] et la « rééducation » des Ouïgours (sans parler du génocide des minorités vietnamienne et musulmane cham par le régime des Khmers rouges).
Badiou aborde cette opposition universel/particulier en évoquant le nazisme, en réponse à son interlocuteur qui parle de « l’enthousiasme communiste » et esquisse une ressemblance avec « l’universel négatif du nazisme ». Le philosophe corrige : « … normalement le communisme n’est pas l’exaltation d’une particularité. Le fascisme, lui, est explicitement l’exaltation d’une particularité ; le communisme n’est jamais, dans son principe, l’exaltation d’une particularité, il est la fin des particularités, il est internationaliste et non particulariste. » Retenons, outre « l’exaltation », que pour Badiou le communisme signifie la fin des particularités. Engelmann insiste sur les « ressemblances » entre le nazisme et ce qu’il a vécu en RDA. Il dit notamment qu’en Russie et dans les pays de l’Est « on a pratiqué la torture, fait disparaître des personnes de manière extrêmement courante. » Ce à quoi Badiou rétorque : « Oui, mais, c’était au nom d’un universel, et non de la race ou de la supériorité des blancs, comme dans le colonialisme occidental. » Il dira dans la foulée que c’est la social-démocratie qui a falsifié la démocratie universelle, notamment en jouant le jeu de la démocratie représentative dans le cadre national, avec la création d’un parti. D’ailleurs, ajoute-t-il, « Lénine et Staline, c’est un peu la version russe de cette invention occidentale. » Le Goulag et la Grande Terreur inclus ?
Terminons ce survol par pointer que « le communisme » sans parti de Badiou est un projet dont il ne dessine absolument pas les contours, sinon qu’il s’agit de l’abolition de la propriété privée, de la fin de la « pathologie » capitaliste et de la démocratie représentative qui lui est associée. Quant à savoir comment pourrait fonctionner économiquement et politiquement ce communisme mondial de démocratie directe, avec « la fin des particularités », on n’en sait rien. Ajoutons que cette « idée communiste » n’est d’aucune manière « l’aiôn, l’irruption de moments forts et créatifs qui se situent hors du temps historique », comme chez Deleuze (Ansay, 2015), mais bien un futur stabilisé et une « fin de l’histoire », dans les deux sens du mot, comme chez Marx.
La « religiosité séculière » d’Alain Badiou
Ce bref survol de son « idée (ou hypothèse) communiste » et de son parcours politique et philosophique donne le sentiment d’une tentative de sauvegarde de l’absolu universel après « la mort de Dieu », incarnée politiquement dans la préservation du communisme idéal malgré « la mort du communisme réel ». L’idée pure ayant été dévoyée par des « aberrations » (le capitalisme d’État, la représentation parlementaire social-démocrate ou le parti communiste unique). Il parle d’ailleurs de sa « conversion au communisme » en 1968 dans son dialogue avec Marcel Gauchet. On ne peut s’empêcher de relier cette religion immanente de « l’idée communiste » au platonisme de Badiou, qui a consacré plusieurs livres au philosophe grec. Rappelons que pour Platon, notamment dans l’allégorie de la caverne, les hommes n’ont pas un accès direct aux « idées pures » du monde supérieur dont ils ne perçoivent que les ombres et les reflets tronqués au fond de la caverne où ils sont enchaînés. Mais entre la masse ignorante des humains et le monde supérieur des idées, il y a ceux qui ont fait l’ascension vers le monde intelligible, puis sont redescendus dans la caverne auprès des humains aveuglés[10]. Ce sont les philosophes qui sont appelés à diriger les hommes dans une Cité parfaite, que Platon décrit dans La République. Comme l’écrivait Marx dans sa Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843, citée par Taguieff, 2019), « La tête de cette émancipation est la philosophie, le prolétariat en est le cœur. » (souligné dans le texte)

Illustration de l’allégorie de la caverne par Pieter Saenredam, 1604
(source Wikipedia)
Cette idée d’émancipation totale et universelle de l’humanité est passée au peigne fin (et parfois très rugueux) par Pierre-André Taguieff dans son dernier livre, L’émancipation promise. La notion d’émancipation semble tellement naturellement positive et transparente, même dans certains usages savants, qu’il ne paraît pas nécessaire de la questionner plus avant. D’où l’heureuse initiative de Taguieff (auteur d’un livre remarquable sur Le sens du progrès) qui trace la genèse et les composantes de « la mystique de l’émancipation », en particulier avec le marxisme au milieu du XIXe siècle. Et, inévitablement, il évoque à quelques reprises Alain Badiou. Taguieff distingue les émancipations concrètes, celles des esclaves, des femmes, des ouvriers, des peuples dominés, de l’idée abstraite et religieuse de l’émancipation totale et absolue de l’humanité. Si les Lumières ont initié le projet émancipatoire, c’est à Marx que l’on doit, dès 1843 (dans Zur Judenfrage), le projet politique d’une émancipation absolue de l’humanité signifiant la « fin de l’histoire ». Et ce projet est indissolublement lié au rejet des particularismes, comme Badiou le formule clairement dans le propos cité plus haut, – identitaires, mémoriels, culturels et religieux, dont l’identité juive. Il s’agit de construire l’homme nouveau dans une société mondiale.
D’où le fait historique, constaté dans les régimes communistes (mais également ailleurs, sans être cependant au cœur du projet politique et idéologique), soit d’une folklorisation des particularismes, soit d’une destruction par déportation ou génocide culturel ou physique. Comme celles que l’on a vues à l’œuvre en URSS (famine ukrainienne de 1933, déportation des peuples du Caucase et de Crimée, déplacements de populations en Europe centrale après 1945) et que l’on constate en Chine depuis l’invasion du Tibet et d’une sinisation forcée des Ouïgours[11]. Le communisme est en effet « la fin des particularités » comme le confiait Alain Badiou à Peter Engelmann. Comme le dit le chercheur allemand Adrian Zenz dans un entretien au Monde le 25 novembre 2019, après les révélations des « China Cables » sur la détention des Ouïgours en Chine : « Le réseau de camps de rééducation a un objectif différent de celui du système pénitentiaire. Il est là pour endoctriner presque toute une minorité ethnique et changer une population entière, en la canalisant à travers ce système spécifique. (…) La raison pour laquelle tout finit par du travail est que c’est très cohérent avec l’idéologie communiste, selon laquelle les personnes sont virtuellement libérées des chaînes des traditions et de leurs illusions religieuses en étant soumises au travail. » Un moyen un peu rude, sans doute (n’oublions pas qu’il s’agit d’un « communisme d’État »), pour avoir accès à l’absolu et l’universel.
Bernard De Backer, janvier 2020
Pour télécharger le fichier pdf du texte : RD Un Grand Timonier de la Pensée
Complément du 23 janvier 2023. Le témoignage d’Anette Wievorka dans Le Monde, dans la contexte de son livre Mes années chinoises (Stock, 2021). Extrait : « Nous étions entre nous et c’était assez hermétique. Je vivais sur l’image d’une Chine qui n’existait pas, la Chine de la propagande. Il y avait un courant très fort, et j’y ai cédé. Le doute, dans ce cadre, était impossible. Cela relève de la croyance, d’une foi dans l’homme nouveau, dont la Chine était censée être le laboratoire. Je ne savais pas encore ce qui se fabrique vraiment dans ce genre de laboratoire. Je me souviens du livre d’un Cambodgien, Pin Yathay, sur les Khmers rouges : L’Utopie meurtrière [Robert Laffont, 1980]. J’étais trop inculte pour savoir que les utopies sont meurtrières. Je m’apprêtais à le découvrir. La première chose qui m’a frappée, la première que j’ai réellement vue, puisqu’il y avait aussi tout ce que nous ne voyions pas, c’est l’étendue de la misère. Même nos collègues enseignants vivaient dans une grande frugalité. Ils logeaient à deux dans des chambres, avec leur lessive accrochée en travers de la pièce. Le riz, la viande étaient rationnés. Cela a créé un premier décalage par rapport à la Chine que nous avions en tête. Et, bien sûr, nous avons très vite constaté qu’il n’y avait aucune liberté possible. Nous n’avions de relations réelles qu’avec des collègues qui n’étaient pas en phase avec le régime, même si ce n’étaient pas des dissidents – il faut un courage inouï pour l’être. Là, il était possible de discuter. Mais c’était rare. La plupart des gens avaient trop peur. » (je souligne)
Complément du 22 mars 2020. Un des auteurs cités à plusieurs reprises par Taguieff dans L’émancipation promise est le philosophe polonais Leszek Kolakowski (1927-2009), qui analyse comment le marxisme a rendu possible le stalinisme par la promesse d’un « retour à l’immédiateté perdue » (selon Jacques Dewitte, dans Kolakowski. Le clivage de l’humanité, Michalon 2011). Ceci rejoint l’article de Marcel Gauchet publié dans la revue Esprit en 1976, « L’expérience totalitaire et la pensée de la politique ». Cette promesse marxiste d’une disparition des médiations est, de manière étonnante et instructive, mise en parallèle avec le néo-libéralisme par le psychanalyste Jean-Pierre Lebrun dans Les Couleurs de l’inceste (2013). Cela dans son chapitre consacré à « La logique néo-libérale », pp. 145-146. Il s’agirait, selon le psychanalyste belge, de la « même bévue », de la « même méprise » constituant à récuser un trait constitutif de l’espèce humaine, la nécessaire médiation par le langage et la perte qui s’ensuit, nourrissant le « rêve d’un retour à une immédiateté perdue » à l’unité perdue avant la séparation. Soit, dans le cas de Marx, le communisme final retrouvant en quelque sorte le communisme primitif.
Complément du 6 février 2020. On pourra citer, en écho de cette dernière partie sur la « religiosité séculière » d’Alain Badiou, ce que Danièle Sallenave écrivait au sujet de l’engagement révolutionnaire de Simone de Beauvoir : « Dans la révolution, dans le communisme, le Castor trouve enfin le moyen d’assouvir sa passion de l’Absolu. » Et si elle n’a jamais voulu « voir entièrement » le caractère illusoire de la Révolution, c’est « non par peur de “désespérer les masses”, mais par peur de se désespérer elle-même ». Dans Castor de Guerre, Gallimard, 2008.
Notes
[1]Le Groupe Bayard a été fondé par la congrégation religieuse catholique Les Augustins de l’Assomption. Cette congrégation serait aujourd’hui encore la propriétaire exclusive du groupe. Bayard est notamment l’éditeur du Journal La Croix et du Pèlerin. Mircea Eliade écrit dans Aspects du mythe (1963), « Quant au communisme marxiste, on n’a pas manqué de mettre en relief ses structures eschatologiques et millénaristes (…) Il est même significatif que Marx reprend à son compte l’espoir eschatologique judéo-chrétien d’une fin absolue de l’histoire. » Voir Jean Birnbaum, « Saint Paul au milieu du front », Le Monde, 3 mai 2008.
[2]On trouvera des éléments d’autobiographie politique dans A. Badiou et M. Gauchet, Que faire ?, 2014.
[3]Il serait fastidieux d’énumérer les différents groupes et mouvements maoïstes en France, ainsi que leurs divisions et scissions successives. Pour une description et une analyse des maoïstes français, voir Christophe Bourseiller, Les Maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Plon, 1996 et François Hourmant, Les années Mao en France, pendant et après Mai 68, Odile Jacob, 2018. Notons pour la petite histoire que le premier parti maoïste européen est belge. Il s’agit du Parti Communiste de Belgique fondé par Jacques Grippa en décembre 1963. Le PTB est un autre parti maoïste belge, fondé en 1970 sous le nom de Alle macht aan de arbeiders (Amada, Tout le pouvoir aux travailleurs).
[4]Rappelons ce mot de Lacan aux étudiants de Vincennes en décembre 1969 : « Ce à quoi vous aspirez comme révolutionnaires, c’est à un maître. Vous l’aurez. » Pour certains, ce fut apparemment lui. Michel Schneider, dans Lacan, les années fauves (PUF, 2010), écrit : « Évidemment, il y eut une rechute. Ma servitude volontaire n’a pas cessé tout de suite. À ma saison “tout politique” a succédé ma saison “tout psychanalytique”. Comme quelques autres maoïstes, j’ai changé de maitre, le cigare de Lacan offrant un “trait unaire” plus à la mode que la verrue de Mao. » Certains qualifient Alain Badiou et Slavoj Žižek de « lacano-maoIstes ». Voir Jean Birnbaum, « Une divine surprise », Le Monde, 29 avril 2008.
[5]Yang Jisheng, Stèles. La Grande Famine en Chine,1958 -1961, Éditions du Seuil, 2012
[6]Cette affirmation a de quoi surprendre. Outre les Etats communistes qui ne sont pas passés au « capitalisme déchaîné » (Corée du Nord, Biélorussie, Cuba…) et les régimes sociaux-démocrates plutôt égalitaires et prospères (Europe du Nord, Canada, Nouvelle-Zélande…), outre la Chine qui a certes « libéralisé » son économie (mais avec un contrôle croissant de l’Etat) mais durci son régime politique à parti communiste unique, la situation des pays est extrêmement variée et ne peut être subsumée sous l’appellation de » capitalisme déchaîné ». Il est vrai que pour la vision de Badiou, il n’y a que la variable économique qui compte. Et un seul « Grand Satan », le capitalisme (qu’il qualifie de pathologique), et, plus largement, la propriété privée des moyens de production.
[7]« La philosophie et l’idée du communisme ». Toutes les citations qui suivent, sauf mention contraire, sont extraites de ce livre. On retrouve une argumentation similaire dans les débat entre Badiou et Gauchet dans Que faire ? (2014),mais sans certains aspects du développement philosophique, notamment sur Nietzsche ou sur les « trois Marx ».
[8]Vincent Goossaert et David Palmer dans La question religieuse en Chine, CNRS, éditions 2012. Voir également « L’indistinction du politique et du religieux en Chine. Un problème contemporain », par Emmanuel Dubois de Prisque dans Le Débat, janvier 2020.
[9]Il est intéressant de constater que dans son débat avec Marcel Gauchet dans Que faire ?, Alain Badiou parle à deux reprises du « bouddhisme déchaîné en Inde » pour désigner le nationalisme hindou de Narendra Modi. Rappelons qu’il n’y a presque plus de bouddhistes en Inde, hors les réfugiés tibétains et les minorités bouddhistes de l’Himalaya. Voir sur ce site L’hindouisme politique au travail. On trouvera une même méconnaissance stupéfiante dans son affirmation « La Chine deviendra une puissance atomique » (nous soulignons) dans Quel communisme ? (2015), alors qu’elle l’est depuis 1964 et posséderait près de 300 ogives nucléaires à ce jour.
[10]Comment ne pas penser aux Bodhisattvas du bouddhisme Mahayana ? Ce terme désigne l’adepte ayant atteint le seuil de l’illumination sans pour autant franchir l’étape ultime du nirvâna. Cette période intermédiaire, divisée en dix stades ou « terres », permet au Bodhisattva de produire une action salvatrice pour « le bien et le bonheur de tous les êtres ».
[11]L’arasement des particularismes peut bien entendu résulter de la confluence d’un impérialisme Han et de l’idéologie communiste, comme ce fut le cas avec l’impérialisme grand-russe et le communisme en URSS (même si Staline était Géorgien). Cette thèse est développée au sujet de la Chine dans « L’indistinction du politique et du religieux en Chine. Un problème contemporain », par Emmanuel Dubois de Prisque dans Le Débat, janvier 2020.
Sources et bibliographie indicative
(autres sources que celles mentionnées plus bas)
- Ansay Pierre, « Gilles Deleuze et l’« aïon », Politique, revue belge d’analyse et de débat, 31 août 2015
- Badiou Alain, Méfiez vous des blancs, habitants du rivage, Fayard, 2019
- Badiou Alain, Petrograd, Shanghai : Les deux révolutions du XXesiècle, Editions la Fabrique, 2018
- Badiou Alain, Quel communisme ? Entretien avec Peter Engelmann, Bayard, 2015 (édition en langue allemande, Philosophie und die Idee des Kommunismus, Passagen Verlag, 2013)
- Badiou Alain et Gauchet Marcel, Que faire ? Dialogue sur le communisme, le capitalisme et l’avenir de la démocratie, philosophie édition, 2014 (Gallimard folio, 2016)
- Badiou Alain, L’idée du communisme 1, Lignes, 2010
- Badiou Alain, L’idée du communisme 2, Lignes, 2011
- Birnbaum Jean, « Une divine surprise », Le Monde, 29 avril 2008.
- Birnbaum Jean, Saint Paul au milieu du front », Le Monde, 3 mai 2008
- En Chine, le nouvel archipel du goulag des Ouïgours », Le Monde, 14 novembre 2018
- Belhaj Kacem Mehdi, Après Badiou, éditions Grasset (coll. Figures), 2011
- Gauchet Marcel, « L’expérience totalitaire et la pensée de la politique », Esprit, juillet 1976
- Goossaert Vincent et Palmer David, La question religieuse en Chine, CNRS, 2012
- Laruelle François, Anti-Badiou : Sur l’introduction du maoïsme en philosophie, Kimé, 2011
- Lemaignen Julien, « Le communisme, sans parti », Tribune dans Le Monde du 13 avril 2015, concernant le livre d’entretien avec Alain Badiou, Quel communisme ?, Bayard 2015
- Marx Karl, La question juive (« Zur Judenfrage », Deutsch-französischen Jahrbüchern, 1844), suivi de La question juive par Bruno Bauer. Traduction par Jean-Michel Palmier, Introduction par Robert Mandrou, Paris, Union générale d’Éditions, 1968
- Mounk Yascha, Le Peuple contre la démocratie, Éditions de l’Observatoire, 2018
- Neyrat Frédéric, Aux bords du vide – Evénement et sujet dans la philosophie d’Alain Badiou, Ere Éditions, 2011
- Taguieff Pierre-André, L’émancipation promise, Cerf, 2019
- Taguieff Pierre-André, Le sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, « Champs », 2004
- Todorov Tzvetan, L’Esprit des Lumières, Robert Laffont, 2006
- Vinolo Stéphane, Alain Badiou, Vivre en immortel, L’Harmattan (coll. Ouverture Philosophique), 2015
Le communisme et la Chine maoïste dans Routes et déroutes
(ces textes comportent pour la plupart une bibliographie abondante)
- De Backer Bernard, « Le mystère Oulianine », Routes et déroutes, avril 2019
- De Backer Bernard, «Staline radicalisé par Lénine», Routes et déroutes, mars 2019
- De Backer Bernard, « La seconde mort du Goulag », Routes et déroutes, décembre 2018
- De Backer Bernard, « Le rêve chinois », La Revue nouvelle, novembre 2017
- De Backer Bernard, «Que faire de Lénine ?», La Revue nouvelle, octobre 2017
- De Backer Bernard, recension de Goossaert Vincent et Palmer David, La question religieuse en Chine, CNRS, 2012, dans La Revue nouvelle, août 2013
- De Backer Bernard, recension de Yang Jisheng, Stèles. La grande famine en Chine, 1958-1961, Seuil, 2012, La Revue nouvelle, avril 2013
- De Backer Bernard, « À l’épreuve des Khmers rouges », La Revue nouvelle, mars 2012
- De Backer Bernard, recension de Gauchet Marcel, L’avènement de la démocratie, III. À l’épreuve des totalitarismes. 1914-1974, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 2010, La Revue nouvelle, avril 2011
- De Backer Bernard, « Floralies à Pyongyang » (éditorial), La Revue nouvelle, novembre 2010
- De Backer Bernard, « Holodomor, les enjeux d’une reconnaissance tardive », La Revue nouvelle, décembre 2008
- De Backer Bernard, « Les crimes du communisme entre amnésie et dénégation », La Revue nouvelle, avril 2006
- De Backer Bernard, «Apocalypse Mao. Adhérer au PTB comme entrer en religion ?», dossier « Le PTB : besoin de croire, besoin d’agir », Politique revue de débats, octobre-novembre 1997