
Couverture de l’ouvrage de Cywinski
(source éditeurs)
J’avais une dizaine d’années et je parlais de la guerre avec ma mère. Elle me raconta que son frère avait été emmené à Auschwitz en tant que travailleur obligatoire (STO). Il arriva en juin 1944 dans un Lager proche de l’usine Buna Werken d’IG Farben, à Monowitz (Auschwitz III). Le jeune homme y avait travaillé jusque fin 1944, puis s’était enfui avec un camarade pour la Belgique, en s’arrêtant pour survivre dans des fermes sur la route du retour. Il était arrivé à la maison près de Bruxelles, un soir de mai 1945. Une de ses soeurs avait reconnu le bruit de ses souliers ferrés, avant même qu’il ne frappe à la porte. Toute la nuit, me disait ma mère, il avait parlé de ce qu’il avait vécu. Puis se serait tu. Elle me confia différentes choses, notamment une scène dont mon oncle aurait été témoin et qui me plongea dans l’effroi. Il avait vu des SS jouer avec des corps de bébés juifs comme ballons. En lisant des témoignages de déportés rassemblés dans le livre Auschwitz. Une monographie de l’humain par Piotr Cywinski, directeur du musée d’État d’Auschwitz, j’ai pris connaissance de récits sur le sort des enfants nés au camp. Certains sont proches du témoignage familial. Quelques mois plus tôt, j’avais été tétanisé par La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer, sur la vie de la famille de Rudolf Höss, directeur du camp. Leur maison confortable au jardin fleuri était située de l’autre côté du mur la séparant des camps, des chambres à gaz et des fours crématoires. Je voudrais parler ici des deux versants de ce mur. Mais aussi du mur lui-même.
« Rien n’est plus vrai que l’invraisemblable. »
Simone Alizon, L’exercice de vivre
(rescapée d’Auschwitz, citée par Piotr Cywinski)
« Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? »
Esaïe 21: 11-12









